Ci-dessous le communiqué de Le Média tel que publié le 19.10.17 sur Tumblr, annoté au fluo et agrémenté de mes propres remarques (encadrés rouges). Il reprend essentiellement les questions posées par le journaliste de Médiapart, Manuel Jardinaud, et les réponses apportées (ou pas) par Le Média.
Police ! Vos papiers !
Le Média suscite un grand intérêt chez ses futurs confrères. Nous avons la chance d’être invités sur les plateaux et d’accorder de nombreuses interviews.
Deux médias se distinguent toutefois : Mediapart et L’impertinent, deux grands journaux d’investigation qui ont décidé de nous consacrer une enquête approfondie sur notre structure et le modèle que nous développons pour réunir les Socios.
Nous les remercions évidemment de leur intérêt. Nous notons toutefois qu’il pourrait y avoir, dans leur démarche respective, un effet néfaste : jeter la suspicion sur le sérieux et l'honnêteté des initiateurs du Média.
Si certaines modalités du projet suscitaient, en effet, une certaine suspicion, la première question à se poser serait : est-elle justifiée, et ensuite, de voir si ce qui suit est de nature à dissiper cette défiance. Ou faudrait-il comprendre que poser des questions supposerait une intention de nuire ? À l'exception de F. Serrano, les questions ont été posées directement aux initiateurs du projet, y compris les miennes, et pas du tout sur la place publique.
Nous tenons à lever toute ambiguïté et à être transparents. C’est pourquoi, nous vous proposons ci-dessous de lire les réponses que nous avons adressées au questionnaire envoyé par mail mercredi 18 octobre (14h30) par le journaliste Manuel Jardinaud de Médiapart, questions auxquelles il nous enjoignait de répondre avant 12 heures aujourd’hui.
1. Mediapart - Pourquoi le site lemediatv.fr est-il la propriété de Mediascop, Sasu dont vous, Sophia Chikirou fondatrice du Média, êtes la présidente, et non de l’association Le Média ? Pourquoi le nom de domaine est la propriété de Mediascop, et non de l'association Le Média ?
Le Média
Le lancement du Média étant prévu pour le 11 octobre, il a fallu déposer le nom de domaine et créer le site bien avant pour qu’il soit opérationnel le jour dit. L’association étant en cours de création (elle n’a été déclarée que le 10 octobre), la société Mediascop a été du coup utilisée pour ne pas prendre de retard. L’association va donc maintenant se substituer à elle.
C'est la fable du Lièvre et de la tortue, qu'est-ce qui empêchait de créer plus tôt l'association loi 1901 ? Il serait plus difficile de créer une association que de transformer la SCOP Mediascop en SASU ?
2. Pourquoi avoir fait évoluer les statuts de Médiascop en mars 2017 pour passer de Scop en Sasu ? Y a-t-il un lien avec la création du Média aujourd'hui ?
Il n'y aucun lien avec la création du Média. Une SCOP est une SARL ou une SAS comptant obligatoirement plusieurs associés. A la suite de deux départs, il n’y a avait plus qu’une associée dans Médiascop. Il a donc fallu procéder à sa transformation (procédure contrôlée).
3. Quelle est la composition du bureau de l'association Le Média ? Pourquoi n'est-elle pas publique ?
Cela a été annoncé publiquement (plus de 340.000 vues) lors de la soirée de lancement. Le Média a été fondé par Sophia Chikirou et Gérard Miller. Le bureau, composé des membres fondateurs, n'est là que pour donner l'impulsion initiale, favoriser le mécanisme d'implication des socios, qui reposera sur les socios eux-mêmes, et accompagner la transformation de la structure actuelle qui est donc transitoire. Les socios sont non seulement informés (channel Telegram, newsletter envoyée plusieurs fois par semaine), mais encore sollicités pour nous aider bénévolement à mener ce travail (déjà plus de 160 volontaires via le mail [email protected]).
On ne répond (toujours) pas à la question.
4. Quelle différence faites-vous entre « les titres » et les « contributions » des socios ? Quelles définitions juridiques donnez-vous à « titre » (part sociale ?) et à « contribution » (abonnement ?) ?
Chaque association est libre de définir les signifiants qu’elle utilise. Nous avons notamment profité de cette liberté pour définir et utiliser certains signifiant à des fins pédagogiques, en reprenant par exemple les codes des médias dominants tout en les détournant. Nous avons ainsi choisi plusieurs termes qui deviennent du coup propres à l’association : socio, droit d’entrée, titre de propriété, contribution, service… Leur « définition » est celle que nous avons donnée sur le site, dans les statuts, dans le règlement intérieur… C'est ainsi que le droit d’entrée est défini comme l’addition de deux sommes : 1°) une somme appelée titre de propriété, comprise entre 5 € et 2 500 €, et étant nécessairement un multiple de 5 ; 2°) une somme appelée contribution d’un montant de 50€, 80€, 120€, 200€. La première somme, dont le montant exact sera fixé par la personne souhaitant adhérer à l’association, doit être payée au moment de l’adhésion. La seconde somme, dont le montant exact sera également fixé par la personne souhaitant adhérer à l’association, peut être payée intégralement au moment de l’adhésion ou en dix mensualités à compter du 1er janvier 2018.
Signifiants ? « Titre de propriété » et « vous êtes propriétaire du média » seraient des signifiants détournés à des fins « pédagogiques » ? Selon moi nous sommes ici à la limite des pratiques commerciales trompeuses en utilisant comme « signifiants » (et en leur donnant un tout autre sens) des termes et expressions ayant un sens juridiquement et communément admis.
5. A quels niveaux de service un socio a-t-il droit et accès en fonction de « son implication » (selon les termes utilisés sur le site Internet), c'est-à-dire le montant de sa contribution si j'ai bien compris ? Les « contributions » valent-elles un abonnement qui donne accès à des services ? Si oui, quelles en sont les conditions générales de vente ?
Nous avons donné une liste d’un certain nombre de services possibles, dont bénéficieront les socios en fonction de leur implication. En fonction de leur implication et non de la somme qu’ils auront versée. Chaque socio pourra en effet s'impliquer dans le Média et bénéficier desdits services, quel que soit le nombre de titres qu’il aura choisi, quel que soit le montant de sa contribution. Pour l'instant, n'ont pas encore été définis les différents degrés d'implication et les services afférents, la réflexion sur le rôle des socios devant en premier lieu être menée par les socios eux-mêmes. En tout cas, nous ne parlons pas d’« abonnement » ou de « conditions générales de vente » : les socios, se regroupant dans l'association Le Média, n'étant pas nos « clients ».
N'étant pas clients, ils sont quoi, exactement ? La partie « droit de propriété » versée au titre de droit d'entrée ne correspondant à aucun bien ni service, et ne conférant strictement aucun droit au détenteur, il s'agit d'un don, ni plus, ni moins. Ceci est d'ailleurs rendu parfaitement clair dans la réponse à la question 10.
le socio ayant versé un droit d'entrée ne peut plus espérer le récupérer
6. Plus généralement, quid des possibilités de résiliation / rétractation / modification « des contributions » pour un socio ? A ce stade, en l'absence de conditions générales de vente / d'utilisation, il est impossible de le savoir… Quel mécanisme aujourd'hui est prévu si un socio ne veut plus contribuer après avoir versé de l'argent ? Comment peut-il récupérer sa « contribution » ? Que sait-il du délais de rétractation sur le site lemediatv.fr ?
Le Média est une association fondée en vertu de la loi de 1901. Elle a un but non lucratif et, pour le dire encore une fois, ses membres ne sont pas ses clients. Conformément au principe de liberté d'association, tout socio peut démissionner et ainsi ne plus rien avoir à verser, et il est également prévu que le bureau puisse racheter un droit d'entrée. Néanmoins, les sommes que le socio s'est engagé à verser avant sa démission (c'est-à-dire son retrait de l'association), au titre du droit d'entrée dans l'association, restent dues, conformément à l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901. Cela étant, le bureau pourra bien évidemment tenir compte à chaque fois de chaque situation particulière.
Hermétique : à partir du moment où un « socio » a versé les deux parties de son droit d'entrée, il s'est forcément engagé à les payer, puis les a payés, ce qui impliquerait que ces sommes resteraient dues (et donc non remboursables) ?
7. Vous affirmez, notamment lors du live de lancement du Média, que les « titres » ne pourront pas être revendus, simplement cédés à un-e descendant-e. Quel est le fondement juridique de ce dispositif ?
Nous avons profité de la liberté offerte aux associations pour mettre en place un mécanisme destiné à garantir l'indépendance du Média ; pour ce faire, il est apparu utile que les titres de propriété (la première composante du droit d'entrée) soient acquis. Quant à la cession possible à un-e descendant-e qui désirerait rejoindre le Média, cela veut dire que cette personne n'aura pas à reverser une quelconque somme pour les titres de propriété qui font partie du droit d'entrée.
Il ne peut y avoir de « titre de propriété » d'une association loi 1901, ni de capital, ni d'actions ou de parts sociales. Elle est une, indivisible et sous le seul contrôle de ses instances (Assemblée générale, Bureau). Autrement dit, l'indépendance du média - en tout cas par rapport aux socios, leurs descendants ou leur poisson rouge - est, elle, bien garantie dès le départ...
8. Dans les statuts de l'association, il est mentionné qu'aucune cotisation n'est demandée (article 6). Dans le règlement intérieur, l'article 2 mentionne que la somme appelée « titre de propriété » doit être payée « au moment de l'adhésion ». N’ y a-t-il pas une contradiction entre les deux textes : aucune cotisation demandée d'un côté et adhésion de l'autre ? Pourriez-vous expliciter cette apparente contradiction.
Il n’est nullement obligatoire de prévoir le versement de ce que les associations appellent habituellement une cotisation d'adhésion. En revanche, il est tout à fait possible de fixer un droit d'entrée. Dans le monde associatif, le droit d’entrée et la cotisation sont deux formes différentes de participation. Une association peut prévoir de demander l’une ou l’autre, les deux ou aucune.
9. Quel usage est-il fait par Le Média des données personnelles recueillies lors de l'inscription ? Plus précisément, ces informations personnelles et bancaires (lesquelles sont considérées comme des données sensibles) sont-elles recueillies par Mediascop ou par l'association Le Média ? Pour quel usage ? Comment justifiez-vous l'absence de déclaration à la Cnil (non indiquée à ce jour sur le site) ?
Mediascop n'est en rien impliquée (voir plus haut). Les traitements auront pour seules finalités la constitution et l'exploitation d'un fichier d'adresses à des fins d'information ou de communication externe se rapportant à l'objet social de l'association. Les données bancaires ne sont pas recueillies : le paiement s'opère depuis un site sécurisé sans enregistrement effectué par Le Média. L'absence de déclaration auprès de la Cnil repose sur la délibération n° 2006-138 du 9 mai 2006.
10. Concernant la transformation future de l'association Le Média en coopérative, comme indiquée par vous même lors de la soirée de lancement et par l'article 10 des statuts mis en ligne (après lancement toutefois) : l'article 28 bis de la loi du 17 juillet 2001 indique que les réserves et les fonds d'une association ne sont pas distribuables (« Les réserves et les fonds associatifs constitués antérieurement à la transformation ne sont pas distribuables aux sociétaires ou incorporables au capital »).
En ce cas, comment allez-vous constituer le capital de la future coopérative Le Média dans la mesure où ce que vous avez recueilli via la plateforme n'est a priori pas récupérable en capital ?
Quelles sont les éléments mis à disposition des socios et futurs socios leur permettant d'avoir un « jugement éclairé » pour devenir sociétaire de la future coopérative ? Quelle information financière et juridique leur est donnée quant à leur responsabilité en tant que sociétaire (dans l'hypothèse où leur achat de « titre » leur donne effectivement accès au capital de la future coopérative) ?
Les statuts du Média prévoient la possibilité pour l'association de se transformer en coopérative. L'approbation des statuts, et notamment son article 10, par chaque membre lors de son entrée dans l'association, garantit le consentement de ce dernier en faveur de cette transformation.
Si l'article 28 bis de la loi du 10 septembre 1947, et non du 17 juillet 2001, dispose que les réserves et les fonds associatifs constitués antérieurement à la transformation ne sont pas distribuables, les conditions générales, soumises au droit commun des contrats, stipulent que « le droit d’entrée sera soit converti en participation dans la nouvelle structure, soit virtuellement remboursé et immédiatement réinvesti dans la coopérative créée ». Le 3° de l'article 8 des statuts stipule par ailleurs que le bureau peut racheter le droit d'entrée d'un membre. Dans ces conditions, l'ensemble des droits d'entrée collectés par le Média, recueillis de manière autonome et pour remplir cette fonction prédéfinie, ne sauraient être regardés comme ayant abondé une réserve ou un fonds de l'Association. La transformation ne contreviendrait donc pas aux dispositions précitées.
Ceci ne répond pas à la question : si au moment de la transformation en coopérative, LeMédia dispose d'un million d'EUR, il ne pourra pas les affecter/redistribuer au titre de parts sociales. Ça correspond à quoi exactement, en droit « virtuellement remboursé et immédiatement réinvesti » ?
Par ailleurs, les modalités de constitution de la coopérative n'étant pas arrêtées, il n'est à ce jour pas possible d'informer les socios de ce qu'il adviendra de l'association. Pour autant, le consentement relatif à la transformation a déjà été recueilli de la part chaque membre, dans les conditions déjà énoncées. La responsabilité supplémentaire des futurs associés de la coopérative – comparativement à celle des socios dans l'association –, est quant à elle nulle : le socio ayant versé un droit d'entrée ne peut plus espérer le récupérer, de sorte qu'il ne subirait aucun préjudice à voir son droit d'entrée converti en participation à une coopérative, dont on sait qu'elle ne fait supporter sur les associés aucun risque autre que la perte de ladite participation initiale, précisément. Compte tenu de cette responsabilité supplémentaire nulle, aucune information juridique détaillée n'était requise.
Oui, c'est ce qu'on avait cru comprendre plus haut, et avant.
Le Média