Autant en emporte le variant

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Un toilettage salutaire

Fresque pleine de tumulte et de passion, Autant en emporte le vent a bien failli nous emporter au-delà de nos valeurs. Nous n’en avions pas encore pris conscience mais ce livre grouille de contrevérités à la lisière du conspirationnisme, perpétue des stéréotypes intolérables sur les personnes racialisées, et sa complaisance envers les horreurs du sudisme est à peine supportable. Comme l’a rappelé si justement la direction de HBO Max à propos du film (qui est aussi révoltant que le livre) : « garder ce titre au programme sans dénoncer ces représentations serait irresponsable ».

Il était donc grand temps d’ouvrir les yeux : le roman de Margaret Mitchell nous renvoie, de façon particulièrement insidieuse, aux heures les plus sombres de l’histoire américano-humaine. Ce pensum reptilien exalte des schémas archaïques qu’il a fallu des siècles pour déconstruire, au prix d’un combat de tous les instants. Des universitaires nous alertent sur ses relents révisionnistes, émanant de mouvements pernicieux qui encore de nos jours, diffusent une vision rassuriste de la domination blanche systémique. Allions-nous tolérer encore longtemps qu’un pareil torchon continue à traîner entre toutes les mains?

Un dépoussiérage en profondeur s’imposait, et c’est à cette tâche rebutante que s’est attelée pendant un an la traductrice Josiane Cruchepotiche, dont il faut saluer l’engagement et la détermination. Loin de chercher à justifier des « héros » qui ne peuvent qu’inspirer l’envie de vomir, cette nouvelle traduction fait le pari de la recontextualisation, en confrontant leurs préjugés d’un autre âge aux défis solidaires du monde d’aujourd’hui.

Soucieuse de rester à la portée du public français, cette version s’abstient de prendre en compte les passages les plus problématiques soit environ les neuf dixièmes du livre, ce qui permet à l’ensemble de gagner en fluidisme, et fait d’Autant en emporte le variant un ouvrage qu’on peut s’injecter en toute sécurité.

Résumé :

Il y a 25 millions d’années, Scarbeth O’Hara, une fêtarde irresponsable, a grandi dans un cluster suprémaciste. Courtisée par tous les négrophobes de la région, elle n’a d’yeux que pour Ashley, un militant écologiste qui tenant à rester PCR négatif, applique vis-à-vis d’elle les consignes de distanciation sociale. Il épouse Melanie, cadre médicale favorable au confinement perpétuel et admiratrice fervente de Joe Biden.

Rongée par la haine, Scarbeth sombre dans le rassurisme alors même que la guerre contre le Covid éclate dans le pays, sauvant des victimes par centaines de milliers.

Lors d’un dîner clandestin elle rencontre Rhaoutt Butler, un trafiquant d’antipaludiques banni des plateaux TV à cause son climatoscepticisme. Dès le premier regard ils se contaminent mutuellement, mais Scarbeth décide de rejoindre Melanie, nommée cheffe de service dans un centre anti-covid à Atlanta, car elle espère revoir Ashley et le contaminer à son tour. Mais celui-ci lui annonce qu’il vient de recevoir sa quatorzième dose d’Astramoderna, et espère compléter sous peu son schéma vaccinal.

Désespérée, Scarbeth se marie avec un membre du Zemmour Klux Klan, qui meurt foudroyé par le variant O’Micron. Rhaoutt lui propose alors de fonder un cluster ensemble et ils donnent naissance à une petite fille, Bonnie. Mais ayant tous les deux perdu l’odorat, ils sont incapables de veiller sur elle et Bonnie est radiée de l’école suite à un test salivaire accablant.

Dans un accès de virilité toxique, Rhaoutt reproche à Scarbeth de ne pas avoir respecté les gestes barrières, tandis que Scarbeth accuse Rhaoutt de charlatanisme. C’est la rupture. Scarbeth se retrouve seule, anéantie par les conséquences délétères de son irresponsabilité.

>> Article original sur Normalosphère

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Olivier Foreau

Se définit lui même comme " ne se lassant pas du PS ", entendez par là qu'il le brocarde joyeusement chaque fois qu'il en a l'occasion. Et pas que le PS d'ailleurs. Sa plume acérée et son humour assassin sont au service de cet inlassable observateur du fait politique en France, qu'il analyse sans concession, avec le regard désabusé de celui qui se sait être dindon de la farce, mais n'entend pas se priver de faire savoir tout le bien qu'il en pense.