Democracy Trolls Spotted !

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Après la victoire historique lors du référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, on dirait que les Trolls sont de sortie. Entre les déclarations assimilant le Brexit à une régression démocratique, les attaques ad-hominem contre Boris Johnson visant à le dépeindre comme une sorte de mégalomane hirsute, on voit poindre aussi une tentative des européïstes pour remette en question le résultat du scrutin. Décidément, l’histoire ne se répète pas, mais Dieu, qu’est-ce qu’elle peut bégayer parfois !
S’il y a bien une qualité qu’on peut reconnaître aux européïstes, c’est qu’à défaut d’être convaincants ils savent se montrer pédagogues.
Les formules ne leur manquent jamais quand il s’agit de vous expliquer pourquoi vous avez mal voté. Eh oui, il ne viendrait pas à l’esprit d’un démocrate britannique sain d’esprit de quitter le giron de l’UE, et donc d’opter pour la régression, l’insécurité, la fin de la civilisation, qui sait ?
Le bon vieil argument Ad Hitlerum, indémodable
Les Anglais ne sont quand même pas des fascistes adeptes d’un gourou qui lui même n’hésite pas à convoquer Hitler pour justifier ses théories nauséabondes. Même si l’intéressé ne faisait que mentionner Hitler parmi d’autres tyrans qui avaient essayé de restaurer « l’âge d’or » de l’empire Romain, et qui avaient échoué [1]
#regrexit : une pétition en ligne pour exiger un nouveau référendum
Une grande majorité des journaux relayait ce samedi vers midi une initiative de citoyens britanniques qui apparemment ne seraient pas d’accord avec le vote d’hier (ça je comprends), et qui à ce titre exigeraient la tenue d’un nouveau référendum (ça par contre…). Il est amusant de constater que non seulement tous les journaux l’ont relayé, mais que sachant que nous sommes samedi, ils ont même gardé des pigistes sur la brèche pour mettre régulièrement à jour le nombre de signatures qu’aurait recueuilli cette pétition puisque la première fois qu’elle était apparue sur mon fil (google actualités), elle n’était qu’à 900.000 signatures.
Il y a donc fort à parier que si les compteurs atteignent 1,2 ou 1,5 millions, les mêmes pigistes mettront un point d’honneur à mettre leurs articles à jour aussi rapidement que possible.
D’ailleurs, à 16h, le monde titrait « Royaume-Uni : un million et demi de signatures pour un nouveau référendum – mise à jour : 15h31 ».
Ce qu’ils demandent
Les pétitionnaires demandent à ce que soit organisé un second référendum au titre que la décision n’a pas emporté 60% des votes et que le taux de participation était inférieur à 75%.
EU Referendum Rules triggering a 2nd EU Referendum
We the undersigned call upon HM Government to implement a rule that if the remain or leave vote is less than 60% based a turnout less than 75% there should be another referendum.
Sachant que le taux de participation était de 72%, ce qu’on peut considérer comme une participation massive, on est en droit de se demander quel référendum pourrait mobiliser 75% de l’électorat. Et s’il fallait encore que la décision soit votée au minimum à 60%, on comprend que rien, jamais, ne pourrait plus être décidé par référendum.
Deux petites remarques
Au risque de passer pour légèrement taquin ou carrément pince-sans-rire, je me permets de livrer ci-dessous deux considérations dont les pétitionnaires, s’ils sont animés de bonnes intentions (ce dont je ne me permettrais pas de douter) devraient tenir compte.
Fiabilité d’une « pétition en ligne »
Une pétition en ligne n’est rien d’autre qu’un formulaire relié à une base de données. En gros, ça compte les clics. Ce n’est pas du tout comparable au système mis en place lors d’un référendum ou seules les personnes habilitées à voter (et donc inscrites sur les listes électorales) peuvent s’exprimer, et ce, une seule fois.
Or quoi qu’on pourrait vous raconter, il n’existe aucun, mais alors absolument aucun moyen de s’assurer que l’une ou l’autre de ces conditions sont remplies s’agissant d’une pétition en ligne. Cela veut bien dire qu’il est tout à fait possible que des personnes aient voté des centaines de fois, si pas plus. C’est de fait hautement probable, la nature humaine étant ce qu’elle est.
Seul un mécanisme d’identification certaine permettrait de répondre à ces contraintes, telle la carte d’identité électronique que nous avons en Belgique. Seulement voilà, au Royaume-Uni, il n’y a pas de carte d’identité du tout…
Importance à accorder aux pétitions en ligne
C’est touchant de voir la presse européenne se soucier autant de l’opinion exprimée par les citoyens dans le cadre de telles pétitions. Toutefois est-il permis de faire remarquer que lorsqu’il s’agit de pétitions demandant à être consultés nous aussi sur la sortie de l’Union Européenne ou à être informés sur l’état des négociations du Traité transatlantique (TTIP / TAFTA), on les sent tout de suite moins enthousiastes. Je ne parlerai même pas des pétitions visant à faire interdire les pesticides nicotinoïdes qui sont en train de décimer les ruchers partout dans le monde…
Conclusion
Hier ce sont près de 18 millions d’électeurs, soit 51,9% des votants qui se sont démocratiquement exprimés en faveur de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. Il faudra un peu plus que des clics pour changer cela, outre que c’est extrêmement insultant pour les citoyens concernés. Le taux de participation massif de 72% montre clairement que le sujet passionnait, mais la victoire du Brexit reste nette et sans appel.
On ne change pas les règles en cours de partie au titre qu’elle serait en train de tourner à l’avantage de vos adversaires politiques.
Notes
- L’ancien Maire de Londres, qui est un fin lettré, soutient que l’histoire de l’Europe, durant les deux derniers millénaires, a été caractérisée par des tentatives récurrentes d’unification sous l’égide d’un unique gouvernement avec l’idée de restaurer « l’âge d’or » de l’empire Romain. Napoléon, Hitler et d’autres ont essayé, et cela s’est terminé de manière tragique. L’UE est une tentative pour réaliser cela par des moyens différents. Mais fondamentalement, ce qui manque, et c’est l’éternel problème, est qu’il n’y a pas de loyauté sous-jacente à l’idée d’Europe. Il n’existe pas d’autorité que l’on puisse respecter ou comprendre. C’est la cause d’un immense vide démocratique.