Je suis un chapeau boule !

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Voilà, c’est décidé, moi aussi je change de sexe. Mal dans ma peau depuis tout petit, ne me sentant ni vraiment homme ni vraiment femme, j’ai décidé, lors d’une visite au musée Magritte que désormais je serais un chapeau boule. Homo Sapiens Melo : ça sonne plutôt bien hein ?
J’explique : homo (logique), Sapiens (parce que j’y ai beaucoup réfléchi), et Melo en référence au Cucumis Melo (cucurbitacée dont le chapeau melon évoque la forme).
Bon alors évidemment, étant le seul de mon genre au sein de l’espèce humaine, je vais devoir dépenser sans compter pour faire du lobbying au sein de la société civile afin que cette spécificité soit reconnue et qu’on arrête de faire de la discrimination à mon encontre. Vous n’imaginez pas ce que c’est d’être différent et de lire l’incompréhension voire parfois l’animosité dans le regard des gens ! Je me sens chapeau melon, je sais que je l’ai toujours été au fond de moi; et quand pour finir je décide d’assumer pleinement cet état, ce n’est que pour essuyer les moqueries et les quolibets. Un melon ? Mais pourquoi pas un tabouret ou une horloge de cuisine, me direz-vous ?
Par pitié, stop !
Suis-je le seul à être atterré et indigné par la couverture médiatique accordée récemment à un transgenre au titre qu’il était enceint(e), comme s’il s’agissait d’un événement sensationnel ?
Originaire de Gloucester, Hayden Cross est un transgenre de 20 ans, de sexe féminin (né Paige Cross). Voici quelque mois, Hayden avait décidé d’interrompre son traitement hormonal afin de pouvoir porter un enfant. Jusque là rien d’anormal, on a une femme qui se fait inséminer artificiellement afin de fonder une famille.
Mais alors pourquoi ce tintouin ? Eh bien parce que Hayden Cross, vous comprenez, c’est un homme ! Donc, c’est le premier homme à tomber enceinte… en Angleterre, ajoute-t-on, parce que bon, cela s’était déjà produit auparavant, mais c’était fort fort lointain, au États-Unis.
Ce qui me chiffonne, ici, ce n’est pas tant que des gens qui se sentent mal dans leur peau décident de changer de genre et de suivre un traitement hormonal, voire de la chirurgie. Ce qui est inquiétant, c’est que la presse marche littéralement dans des délires et des amalgames pour le moins douteux.
Il faut essayer de comprendre une fois pour toutes qu’on peut changer les mots, mais changer les faits est, en l’état actuel de la science, impossible. Une femme reste une femme avec ses spécificités, et notamment son système reproducteur (ovaires, trompes, utérus). De même, un homme restera un homme même si vous l’opérez. Trop difficile à comprendre ? C’est ancré profondément dans l’ADN et cela a des répercussions sur bon nombre d’organes du corps humain, à commencer par les organes reproducteurs.
« Je vais donner naissance et devenir le meilleur des pères »
Alors qu’Hayden déclare « qu’il va donner naissance et devenir le meilleur des pères », en faisant barrage sur le fait qu’elle sera d’abord la mère biologique du marmouset, passe encore; même si je ne suis pas sûr que nier la réalité à ce point soit bénéfique pour l’équilibre mental de quiconque.
Mais que la presse s’en fasse l’écho et maintienne la même ambiguïté, que dis-je, le même déni de réalité, là je dis stop ! Il faut arrêter de prendre les gens pour des quiches, la presse n’est pas là pour se faire le relais de la pensée magique.
Pendant ce temps-là, sur la planète Terre
Et à côté de ces deux malheureux, sur un total de sept milliards quatre cent millions d’individus généralement nés d’une mère et d’un père, ne pourrait-on pas aussi parler des difficultés de celles-ci et de ceux-là ? De la difficulté de fonder un foyer dans une société anxiogène et hostile ? Dans un milieu du travail qui voit la maternité comme une perte de revenus, et les futures mamans comme des pondeuses qu’il faudra forcément remplacer à un moment ou l’autre pour cause de maternité ?
De ces jeunes couples qui se demandent comment ils pourront bien affronter la parentalité alors qu’ils ne sont même pas sûrs de conserver un emploi leur permettant d’assurer une vie décente à leur famille ?
Je ne parle même pas des centaines de milliers de familles syriennes ou yéménites qui sont désormais à la rue, sans aucun moyen de subsistance, sans que cela ne trouve le moindre écho dans la presse. Tout ce qu’on aura bien voulu leur envoyer, c’étaient des armes pour aider les rebelles, et des bombes pour les autres. Mais un pain ? Une boîte de lait premier âge pour les femmes qui ne peuvent plus allaiter ? Des couvertures, peut-être ? Des encouragements ? Même pas.