Kryptos K4 – Bientôt 30 ans

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Inaugurée en 1990, la sculpture est située à Langley, lieu du quartier général de la CIA, plus précisément en face de la cafétéria. 28 ans plus tard, la dernière partie du message, ici en surbrillance, n’a toujours pas été déchiffrée.

Le but de cet article est de faire un point sur ce qu’on sait de cette énigme, appelée K4. 97 caractères de long, à moins que ce ne soit 98, si l’on considère le point d’interrogation comme faisant partie du message. En fait, on ne sait positivement pas grand-chose, mais on sait déjà pour sûr ce que ce n’est certainement pas.

K1 et K2 étaient respectivement encryptés en utilisant la méthode de Vigenère, ou plus précisément parlant, des Quagmire III, puisque l’alphabet de chiffrement, également présent sous la forme d’une tabula recta sur la sculpture, n’était pas le classique ABCDE… mais bien :

KRYPTOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZ.

KRYPTOS K1

Texte chiffré :

EMUFPHZLRFAXYUSDJKZLDKRNSHGNFIVJYQTQUXQBQVYUVLLTREVJYQTMKYRDMFD

Bizarrement, K1 s’est avéré plus difficile à casser que K2, tout simplement parce que le texte est très court (63 caractères), et que la clé est longue (10 caractères). Comment ça marche ? C’est assez simple quand vous connaissez la clé, qui est PALIMPSEST.

KRYPTOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZ
PTOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRY
ABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRYPTOS
LMNQUVWXZKRYPTOSABCDEFGHIJ
IJLMNQUVWXZKRYPTOSABCDEFGH
MNQUVWXZKRYPTOSABCDEFGHIJL
PTOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRY
SABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRYPTO
EFGHIJLMNQUVWXZKRYPTOSABCD
SABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRYPTO
TOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZKRYP

On peut aisément créér une tabula recta limitée aux lignes qui seront nécessaires pour le déchiffrement, perso, je l’appelle keybula, ce qui n’a pas vraiment de sens, mais dit bien ce que c’est. Prenez la première lettre de la clé, puis faites suivre des 25 caractères qui suivent P dans cet alphabet. Faites de même pour tous les caractères de la clé.

Ensuite, pour déchiffrer, il faut avoir compris que les lettres figurant dans la tabula recta sont le chiffre, tandis que les côtés (supérieur et gauche) sont respectivement l’alphabet de référence et la clé. Ainsi, nous prenons la première lettre du cryptogramme, qui est le E de EMUF…, nous le cherchons sur la ligne du premier caractère de la clé et remontons ensuite vers la lettre B. Ensuite nous trouvons E pour la lettre M (lue sur la ligne du deuxième caractère de la clé). Il suffit de répéter l’opération jusqu’à la fin du cryptogramme en revenant à la première ligne de la table lorsqu’on a épuisé tous les caractères de la clé (qui est donc cyclique).

Une fois décodé, nous obtenons :

BETWEENSUBTLESHADINGANDTHEABSENCEOFLIGHTLIESTHENUANCEOFIQLUSION

A noter la présence d’une horrible faute d’orthographe dans le mot ILLUSION. Tant Jim Sanborn, le sculpteur, qu’Ed Scheidt, qui avait formé Sanborn aux rudiments de la cryptographie classique avaient précisé qu’il ne s’agissait pas d’une coquille mais bien d’un indice, que personne n’a compris à ce jour. Pour être plus précis, disons que j’ai personnellement trouvé l’indice, mais qu’il ne me donne guère plus d’information quant à la façon de l’utiliser. Malheureusement, et c’est bien là plus que probablement la cause que l’énigme reste entière, nous n’avons pas été capables de lire et de comprendre les indices dont Jim Sanborn disait qu’ils étaient tous étalés à la vue de chacun ! J’y reviendrai ultérieurement.

Le texte en lui-même ne dit pas grand-chose, c’est une phrase creuse évoquant le clair obscur censé représenter le mystère entourant l’oeuvre, dont le contenu était entièrement chiffré.

Kryptos K2

Texte chiffré :

VFPJUDEEHZWETZYVGWHKKQETGFQJNCEGGWHKK?DQMCPFQZDQMM
IAGPFXHQRLGTIMVMZJANQLVKQEDAGDVFRPJUNGEUNAQZGZLECG
YUXUEENJTBJLBQCRTBJDFHRRYIZETKZEMVDUFKSJHKFWHKUWQL
SZFTIHHDDDUVH?DWKBFUFPWNTDFIYCUQZEREEVLDKFEZMOQQJL
TTUGSYQPFEUNLAVIDXFLGGTEZ?FKZBSFDQVGOGIPUFXHHDRKFF
HQNTGPUAECNUVPDJMQCLQUMUNEDFQELZZVRRGKFFVOEEXBDMVP
NFQXEZLGREDNQFMPNZGLFLPMRJQYALMGNUVPDXVKPDQUMEBEDM
HDAFMJGZNUPLGEsWJLLAETG

Il ne faut pas se laisser impressionner par son aspect rébarbatif, celui-là, c’est vraiment une promenade au parc. La clé était ABSCISSA et le texte se déchiffrait comme suit :

ITWASTOTALLYINVISIBLEHOWSTHATPOSSIBLE?THEYUSEDTHEE
ARTHSMAGNETICFIELDXTHEINFORMATIONWASGATHEREDANDTRA
NSMITTEDUNDERGRUUNDTOANUNKNOWNLOCATIONXDOESLANGLEY
KNOWABOUTTHIS?THEYSHOULDITSBURIEDOUTTHERESOMEWHERE
XWHOKNOWSTHEEXACTLOCATION?ONLYWWTHISWASHISLASTMESS
AGEXTHIRTYEIGHTDEGREESFIFTYSEVENMINUTESSIXPOINTFIV
ESECONDSNORTHSEVENTYSEVENDEGREESEIGHTMINUTESFORTYF
OURSECONDSWESTXLAYERTWO

À noter la présence d’une faute dans le mot UNDERGROUND, dont l’auteur a également déclaré qu’il s’agissait… d’un indice. Initialement, le texte chiffré ne contenait pas la lettre s située en neuvième position en partant de la fin. Plusieurs mois après publication de la solution pour K2, Jim Sanborn a révélé que ID BY ROWS en fin de message devait en fait se lire X LAYER TWO, et qu’il s’agissait d’une erreur. Cette version a été mise en doute par James Gillogly et ensuite expliquée par Ed Scheidt comme étant… un indice !

KEY=ABSCISSA JBEBMOXS
KEY=BSCISSAA IDBYROWS
KEY=SCISSAAB LAYERTWO
KEY=CISSAABS HREEKTVA
KEY=ISSAABSC BDEDKPXT
KEY=SSAABSCI LDDDZOUX
KEY=SAABSCIS LCDCRYIA
KEY=AABSCISS JCCEXVXA

Concernant ce dernier point, je partage l’avis de James Gillogly qui disait ne pas croire à un coïncidence. Quelle chance en effet que les mêmes lettres (WJLLAETG) se décodent en donnant deux sens (intelligibles) différents sur base d’une rotation de la clé ? Accessoirement, si Sanborn prétend qu’il s’agissait d’une erreur et Scheidt d’un indice, il y en a forcément l’un des deux qui ment. Comme nous le verrons un peu plus loin, c’est J. Sanborn, le sculpteur, qui a menti.

Kryptos K3

Avec K3, le sculpteur a exploré une autre méthode cryptographique : alors qu’il s’était cantonné à une substitution polyalphabétique pour les deux premiers messages, celui-ci repose sur une double transposition. En fait, toutes les lettres sont là, mais pas dans le bon ordre.

ENDYAHROHNLSRHEOCPTEOIBIDYSHNAIACHTNREYULD
SLLSLLNOHSNOSMRWXMNETPRNGATIHNRARPESLNNELE
BLPIIACAEWMTWNDITEENRAHCTENEUDRETNHAEOETFO
LSEDTIWENHAEIOYTEYQHEENCTAYCREIFTBRSPAMHHE
WENATAMATEGYEERLBTEEFOASFIOTUETUAEOTOARMAE
ERTNRTIBSEDDNIAAHTTMSTEWPIEROAGRIEWFEBAECT
DDHILCEIHSITEGOEAOSDDRYDLORITRKLMLEHAGTDHA
RDPNEOHMGFMFEUHEECDMRIPFEIMEHNLSSTTRTVDOHW

Comment ça fonctionne ? Eh bien il s’agit d’une double rotation en colonnes.

Étape 1 – Rotation horlogique par 24

ENDYAHROHNLSRHEOCPTEOIBI
DYSHNAIACHTNREYULDSLLSLL
NOHSNOSMRWXMNETPRNGATIHN
RARPESLNNELEBLPIIACAEWMT
WNDITEENRAHCTENEUDRETNHA
EOETFOLSEDTIWENHAEIOYTEY
QHEENCTAYCREIFTBRSPAMHHE
WENATAMATEGYEERLBTEEFOAS
FIOTUETUAEOTOARMAEERTNRT
IBSEDDNIAAHTTMSTEWPIEROA
GRIEWFEBAECTDDHILCEIHSIT
EGOEAOSDDRYDLORITRKLMLEH
AGTDHARDPNEOHMGFMFEUHEEC
DMRIPFEIMEHNLSSTTRTVDOHW
Rotation
Horlogique
par 24
DAEGIFWQEWRNDEMGGRBIEHON
AOYNRTOISONEEDRHSDIDEEET
AETIPSHYPHAWDUTNFTENNAFA
OFDEACOESOAHERSENTMTLELS
IRIDDBIUAASNNMAOMPDAAATY
ERNRCHENREAEECDAEWHNHEYC
HOGRTHLXTLNODTTTYEICEMNS
LHLDTOEIWTBNRRSMODMAEFEE
LEEHSGRHSRRTNNPTYETFIITM
LBHEIPUOTMTLEABRAUIRLCRF
RCWETSEDANDPTEKEPEEPIRCG
STVULIIREAOEAALEDHMHETFM
YTETLOOELSRNOHTNWISIHEEI
ORAHEHMHLBWCHTATSEYATNLI

Étape 2 – Rotation horlogique par 8

DAEGIFWQ
EWRNDEMG
GRBIEHON
AOYNRTOI
SONEEDRH
SDIDEEET
AETIPSHY
PHAWDUTN
FTENNAFA
OFDEACOE
SOAHERSE
NTMTLELS
IRIDDBIU
AASNNMAO
MPDAAATY
ERNRCHEN
REAEECDA
EWHNHEYC
HOGRTHLX
TLNODTTT
YEICEMNS
LHLDTOEI
WTBNRRSM
ODMAEFEE
LEEHSGRH
SRRTNNPT
YETFIITM
LBHEIPUO
TMTLEABR
AUIRLCRF
RCWETSED
ANDPTEKE
PEEPIRCG
STVULIIR
EAOEAALE
DHMHETFM
YTETLOOE
LSRNOHTN
WISIHEEI
ORAHEHMH
LBWCHTAT
SEYATNLI

Rotation
Horlogique
par 8

SLOWLYDE
SPARATLY
SLOWLYTH
EREMAINS
OFPASSAG
EDEBRIST
HATENCUM
BEREDTHE
LOWERPAR
TOFTHEDO
ORWAYWAS
REMOVEDW
ITHTREMB
LINGHAND
SIMADEAT
INYBREAC
HINTHEUP
PERLEFTH
ANDCORNE
RANDTHEN
WIDENING
THEHOLEA
LITTLEII
NSERTEDT
HECANDLE
ANDPEERE
DINTHEHO
TAIRESCA
PINGFROM
THECHAMB
ERCAUSED
THEFLAME
TOFLICKE
RBUTPRES
ENTLYDET
AILSOFTH
EROOMWIT
HINEMERG
EDFROMTH
EMISTXCA
NYOUSEEA
NYTHINGQ

Texte déchiffré

SLOWLYDESPARATLYSLOWLYTHEREMAINSOFPASSAGEDEBRISTHATENCUMBEREDTHELOWERPA
RTOFTHEDOORWAYWASREMOVEDWITHTREMBLINGHANDSIMADEATINYBREACHINTHEUPPERLEF
THANDCORNERANDTHENWIDENINGTHEHOLEALITTLEIINSERTEDTHECANDLEANDPEEREDINTH
EHOTAIRESCAPINGFROMTHECHAMBERCAUSEDTHEFLAMETOFLICKERBUTPRESENTLYDETAILS
OFTHEROOMWITHINEMERGEDFROMTHEMISTXCANYOUSEEANYTHINGQ?

Le texte fait référence à la découverte par Howard Carter de la tombe de Toutânkhamon, en 1922.

Les contraintes de déchiffrement

  • K4 a été chiffré en utilisant seulement un crayon et une feuille de papier. Il est donc déchiffrable de la même manière, ce qui exclut d’office l’usage de machines compliquées (M94, Enigma, etc) ou d’ordinateurs. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas utiliser un ordinateur, mais seulement que celui-ci n’est pas indispensable.
  • Pour autant que je sache, tous les indices concernent directement la résolution de K4, et tous sont exposés à la vue de chacun, ce qui a été confirmé à de multiples reprises par J. Sanborn et Ed Scheidt.
  • Aucune partie déchiffrée de l’énigme ne constitue un indice pour K4. Ainsi, Sanborn qui avait révélé le mot BERLIN, puis le mot CLOCK, se suivant respectivement en position 64 et 70 de K4 a bien précisé qu’il s’agissait d’indices importants, mais vous savez, quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. Penser que les mots Berlin clock pourraient être d’une utilité quelconque dans le déchiffrement de K4 reviendrait à avoir un coffre-fort dont la combinaison… se trouve écrite sur un petit bout de papier… dans le coffre fermé. Hum !
  • Keep It Simple, Stanley (KISS) : pas la peine d’imaginer des trucs tordus, selon toute probabilité, la solution est des plus simples, ne serait-ce que pour que J. Sanborn puisse dire, une fois la solution trouvée ou par lui révélée « Vous voyez, c’était simple comme ‘abc’ ! ».

En se servant de ces contraintes comme d’un rasoir d’Ockham, on peut aisément écarter d’emblée des hypothèses plus ou moins farfelues qui autrement nous paraîtraient tentantes : eh oui, pour un marteau, tout ressemble à un clou, et vous comme moi aurez tendance à privilégier les approches que vous trouvez personnellement les plus élégantes. Telle personne pensera à un chiffre de Playfair (ce qui n’est simplement pas possible), et tel autre pensera qu’il s’agit d’un chiffrement de Hill, ou d’un Vigenère avec une « running key » particulièrement longue. Mais pour les raisons que je donnais plus haut, vous pouvez résolument écarter l’hypothèse d’une clé (presque) aussi longue que le texte : trop difficile à justifier après coup, sauf si la clé était devant notre nez.

Découverte de Scott

Dans cet ordre d’idée, Scott, dont je ne sais rien d’autre que son nom, avait fait la trouvaille suivante :

En prenant le cryptogramme K4, puis en le déchiffrant avec les 11 premiers caractères de K4 (Quagmire III / alphabet Kryptos) puis en appliquant un Skip par pas de 38 avec un offset de 77 (si je me souviens), il obtenait un joli « BERLIN » à la bonne place, soit en position 64. Mais il y a quand même un os dans le fromage, tout le reste n’ayant strictement aucune signification.

Donc, en gros, on applique la clé : EMUFPHZLRFA, et l’on obtient :

QJOIMLZHFYHSJENHRGLAEOSCRBLIYYFHZUGCERSAZNQZKBTGQNOZZOHZWFEFOGLMJVEFCSVXTCVRPIAPMGUEXFHHPPFCBFDJK

Puis on applique un Skip 38 offset 89. En gros, on compte la 77ème lettre, on la note, puis on « saute » 37 lettres, prenant la 38ème, et ainsi de suite en revenant au début (en continuant à compter) quand on arrive à la fin du cryptogramme.

Exemple : skip 7

NOUSATTAQUERONSDEMAINALAUBEPARLAPORTESUD
NASAATUUEALSARABPDTNNPROQDLRESEMUAUTOIEO

Et l’on obtient (Scott) :

PGZFGTEZPFCYGFLJLZGSOJAILWDCCNZFHSHQHIVZKUCGOZAAFJEVHOCZVSNHYEHBERLINPEEKRRRHBUXJOPYFFTXBMMQMOFQS

C’est très joli, mais avec seulement ce mot-là, on ne va pas très loin. En fait, je pense qu’il ne s’agit pas d’autre chose que d’une coincidence. Les statistiques pour le restant des lettres, et notamment l’analyse de l’index de coincidence donne 0,03716, soit à peine moins mauvais que le 0,03608 avant déchiffrement. Or pour que les lettres que nous voyons puissent valablement composer un texte en anglais, il faudrait un IC tournant autour de 0,067. On voit à l’oeil nu que ces lettres ne pourraient en aucun cas constituer un texte cohérent.

Si vous voulez vous en convaincre, voici un texte de 97 lettres placées dans un ordre arbitraire (IC=0.06529) :

OYIHANEYOKDEOOMRNNHIRELULMTTOTSEEIUSSTOPOPESARANALECCEGTARAMYOLIAANRTYANTAKEUHTYOOCIHDNSESFANYENE

Avec lesquelles vous pouvez écrire la phrase suivante (extrait de Moby Dick) :

ONCEMORESAYYOUAREINTHECOUNTRYINSOMEHIGHLANDOFLAKESTAKEALMOSTANYPATHYOUPLEASEANDTENTOONEITCARRIESY

De plus, Scott a pu, afin d’aligner sa « découverte » jouer sur l’offset, qu’il pouvait placer à son gré (il s’agit du décalage initial). Au cours de mes tribulations, et en réalisant l’opération inverse, soit une transposition suivie d’un Vigenère, j’étais tombé précisément sur le même mot « BERLIN » se décodant avec la clé « travelogue ». So what ? Au reste, je suis convaincu pour une bonne raison que s’il y avait une clé littérale dans K1, elle ne se trouverait en aucune façon dans les 11 premiers caractères.

Ce que K4 pourrait être, et ce qu’il n’est manifestement pas

K4 n’est pas le fruit d’une simple encryption avec un Quagmire III, il ne se décode avec aucun mot connu, que ce soit en mode simple ou en mode autoclave (quand vous avez épuisé la clé, vous commencez à utiliser le texte clair comme clé)

Autoclave – alphabet standard

NOUSATTAQUERONSDEMAINALAUBEPARLAPORTESUD
SECRETNOUSATTAQUERONSDEMAINALAUBEPARLAPO
----------------------------------------
FSWJEMGOKMEKHNIXIDOVFDPMUJRPLRFBTDRKPSJR

On ne peut pas vraiment exclure totalement l’idée d’une running key prise n’importe où ailleurs dans le cryptogramme, comme ci-dessous. La clé utilisée est le début de K3 et l’alphabet est Kryptos :

OBKRUOXOGHULBSOLIFBBWFLRVQQPRNGKSSOTWTQSJQSSEKZZWATJKLUDIAWINFBNYPVTTMZFPKWGDKZXTJCDIGKUHUAUEKCAR
ENDYAHROHNLSRHEOCPTEOIBIDYSHNAIACHTNREYULDSLLSLLNOHSNOSMRWXMNETPRNGATIHNRARPESLNNELEBLPIIACAEWMTW
-------------------------------------------------------------------------------------------------
JRDPYNZDRAFWCQJVXIFNYRZJSVKLQKYAIQCWXIVRATFWYSJJJFMVNVRYJTUAFWFVPVCEBAGOTAXJUSJLWRKUWTPDPYJYVWREX

Bon, maintenant imaginez que la clé ne soit pas « simplement » le début de K3 mais disons un skip 17 de K3 …

EPTSTLEAACNEODOIDGENAIYMRAHTYFMSAAIILAETHYSMEWNSQSGTTMETTNRVRALPNNRINHRUIWCEMMEWCHHABEHHYEETDRHDA

Avec une clé comme celle-là, comment Sanborn pourrait-il prétendre que c’était « as simple as abc ? »

K4 n’est pas le fruit d’une substitution mono-alphabétique. Ce n’est pas non plus un Playfair, puisque Sanborn a bien précisé que K7 contenait toutes les lettres de l’alphabet, or dans le cas d’un Playfair, on aurait soit un alphabet de 25 caractères, soit un de 36. Ce n’est pas non plus un « enigma », parce que la machine était incapable de coder une lettre par elle-même :

OBKRUOXOGHULBSOLIFBBWFLRVQQPRNGKSSOTWTQSJQSSEKZZWATJKLUDIAWINFBNYPVTTMZFPKWGDKZXTJCDIGKUHUAUEKCAR
                                                               BERLINCLOCK

D’ailleurs, l’usage d’une machine contredit une des contraintes fondamentales : papier -> crayon.

K4 n’est pas non plus le fruit d’une simple (ou multiple) transposition : la fréquence des lettres ne correspond absolument pas à celle de l’anglais, ce qui suppose une substitution.

Une petite découverte, à présent

J’ai fait cette découverte (et d’autres) voilà presque trois ans déjà. C’était la deuxième fois que je m’intéressais à la résolution de l’énigme, puis, ne trouvant rien de probant, j’ai décidé de passer à autre chose (la création de ce site web). Voici quelques semaines, je m’y suis remis, mais cette fois avec une approche nettement plus méthodique, notamment en définissant les contraintes qui seules peuvent éviter de se perdre dans les méandres d’hypothèses farfelues. Keep it simple !

Or donc, Ed Scheidt avait dit de LAYERTWO qu’il s’agissait bel et bien d’un indice, tandis que Sanborn prétendait que c’était une erreur (typo). Mais il apparaît que c’est en effet un indice, ce qui fait de Jim Sanborn un menteur.

Layer two est en réalité un alphabet : LAYERTWOBCDFGHIJKMNPQSUVXZ

Et si vous convertissez simplement K4 dans cet alphabet à l’aide de la table ci-dessous :

KRYPTOSABCDEFGHIJLMNQUVWXZ
LAYERTWOBCDFGHIJKMNPQSUVXZ

Vous obtenez :

TBLASTXTHISMBWTMJGBBVGMAUQQEAPHLWWTRVRQWKQWWFLZZVORKLMSDJOVJPGBPYEURRNZGELVHDLZXRKCDJHLSISOSFLCOA

Bon d’accord, c’est pas très sexy et on pourrait même n’y voir rien d’autre qu’une coincidence, aucun mot n’ayant plus que 4 ou 5 lettres, là où moi je vois bien une coincidence dans la trouvaille de Scott. Vous auriez un argument, sans doute, mais on peut faire bien plus que cela avec K4 et cet alphabet, et là, on ne peut plus parler de coincidence !

Je ne vais pas dévoiler ici précisément la preuve, laissant le soin aux plus débrouillards de retrouver le mot « CLOC » au bon endroit, ainsi que le mot « OMOGEN » en position 86.

Est-ce là une partie de la solution ? Oui, sans doute, bien que nous connaissions déjà la présence du mot CLOCK en position 70. En fait, je crois personnellement qu’il s’agit d’un indice, d’une fenêtre ouverte sur une partie de la solution, sans pour autant dévoiler la méthode à utiliser.

Ainsi cet indice en soi ne permet pas, à mon humble avis, d’arriver à la solution, mais nous donne une idée de la façon dont K4 a été créé.

Pourquoi l’énigme n’est toujours pas résolue

Parce que tout d’abord nous n’avons pas su comprendre (et utiliser) les indices qui étaient à notre disposition. Je suis intimement convaincu que K4 ne peut être cassé par la force brutale, ce qui exclut tout également le (gros) coup de bol qui mènerait miraculeusement à la solution.

Pour le dire autrement, celui qui viendra avec la solution aura forcément compris les tenants et les aboutissants de la méthode, et je doute fort que ceci puisse être fait sans avoir compris chacun des indices donnés par Sanborn.

Mon opinion personnelle sur ce qu’est K4

Une leçon de crypto. Ca commence gentiment avec Vigenère, puis on passe aux doubles transpositions, puis… pourquoi pas une combinaison des deux ? Cela expliquerait à la fois le déficit dans les stats des lettres du cryptogramme et ses IC incohérents en comparaison de ceux affichés dans un simple Vigenère.

Mot de la fin

Nous voilà déjà au bout de cet article, qui a pour objet de relancer, si c’était possible, l’intérêt pour cette énigme. Pourquoi vouloir la déchiffrer, après tout, il n’y a même pas de prix associé à cette déouverte ? Non, sans doute, mais n’est-ce pas encore plus beau lorsque c’est inutile ? En fait, cette énigme est une quête, un voyage au plus profond de notre propre personnalité, un peu à la façon des récits de Gilgamesh. Les seuls écueils sont ceux de notre immodestie, de notre précipitation, de nos partis-pris alors que la solution est là, devant nos yeux, il n’y a qu’à la ramasser.

N’hésitez-pas à me laisser un petit commentaire que ce soit pour un mot d’encouragement, pour des idées que vous souhaiteriez partager ou s’il y a quelque chose que vous n’auriez pas compris.

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles