Tout au fond du terrier

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— Je ne peux pas croire cela ! s’exclama Alice.
—Vraiment ? dit la Reine d’un ton de pitié. Essaie de nouveau : respire profondément et ferme les yeux.
Alice se mit à rire.
— Inutile d’essayer, répondit-elle : on ne peut pas croire des choses impossibles.
— Je suppose que tu manques d’entraînement. Quand j’avais ton âge, je m’exerçais à cela une demi-heure par jour. Il m’est arrivé quelquefois de croire jusqu’à six choses impossibles avant le petit déjeuner.
Il y a quelque chose de tout à la fois surréaliste et pathétique dans la façon dont les médias dominants traitent l’actualité, surtout quand la réalité n’a ni l’heur ni le bonheur de se plier aux impératifs de la propagande.
Surréaliste parce qu’il faudrait vraiment avoir du sable dans les mirettes pour ne pas voir que les élections européennes représentent un véritable tsunami dans le paysage politique européen, et que ceci est à mettre en lien avec d’autres phénomènes comme l’élection de Trump aux États-Unis ou les Gilets Jaunes en France.
L’Union Européenne bascule résolument en faveur des partis conservateurs et eurosceptiques qui représenteront désormais 25% des élus au Parlement.
Pathétique, ensuite, parce que les élites européennes font exactement comme s’il ne s’était rien passé : mieux, ils présentent ce qu’il faut bien appeler une débâcle comme s’il s’agissait d’une grande victoire du camp des eurolâtres, comme si 500 millions d’électeurs européens s’étaient prononcés en faveur de toujours plus d’intégration, de toujours plus de dislocation des États-nations au profit d’une hypothétique Europe fédérale.
Dans cette discipline, la palme d’or revient probablement à Donald Tusk, le président du conseil européen :
Lorsque les Européens voient ce que le Brexit signifie dans la pratique, ils en tirent des conclusions », a soutenu M. Tusk à l’issue d’un sommet européen extraordinaire consacré aux nominations des nouveaux présidents des institutions européennes […]
La grande majorité des électeurs a voté pour une Union européenne plus efficace, plus forte et plus unie et a rejeté ceux qui veulent l’affaiblir. C’est un signal puissant […]
Le Brexit a été un vaccin contre la propagande et les fausses nouvelles anti-européennes.
En toute logique, il faut s’éloigner considérablement des zones d’influence des médias aux mains des milliardaires qui sont les véritables maîtres de cette Europe du capitalisme mondialisé pour entendre un tout autre son de cloche. Pourtant le NY Times n’est pas précisément connu pour son opposition à la mondialisation heureuse sous la férule des liberals américains.
Une lueur d’espoir, toutefois
Le petit côté pathétique de la situation devrait tout de même être réconfortant, quelque part : parce que pour en arriver à un pareil déni de réalité, les élites européennes doivent être bien proches de l’effondrement idéologique, en attendant mieux. À cet égard, la conférence de presse de Guy Verhofstadt au soir du 26 mai était assez éloquente : j’ai cru que ça allait finir en crise de nerfs…
Désormais, c’est vers le Royaume-Uni que nous devrions tourner les regards. La victoire foudroyante du Brexit Party sonne le glas des velléités des remainers de renverser ou d’ignorer les résultats du referendum de 2016. Le parti qui s’y essaierait se ferait balayer définitivement du paysage politique, ouvrant une voie royale pour le Brexit Party à la Chambre des Communes.
Et c’est là que les choses deviennent intéressantes. En effet, chacun pourra se rendre compte, dès le mois de novembre prochain, que l’Angleterre ne coulera pas subitement au milieu de l’Atlantique… Et cela donnera forcément des idées aux autres.