CETA – Son univers (im)pitoyable

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La saga continue.  Jeudi passé, par la voix du Ministre Président, Paul Magnette, le Parlement wallon exposait les raisons pour lesquelles il refusait de donner mandat au gouvernement pour signer le CETA.  Les ultimatums et les menaces n’y ont rien changé, et la Ministre canadienne du commerce, Chrystia Freeland avait du retourner chez elle bredouille.

Dimanche soir, on apprenait que la Commission Européenne lançait un nouvel ultimatum à la Wallonie afin qu’elle signe le traité, estimant que les documents transmis dimanche « répondaient à toutes les réserves dont M. Magnette avait fait part ».

Avis que ne partage manifestement pas le gouvernement wallon qui estime que ces documents sont, au contraire, largement en deçà de ce qui avait été obtenu vendredi et samedi.

Dans un des deux courriers adressés à Paul Magnette, il est mentionné que les volets concernant l’arbitrage (ICS) sont exclus de la mise en oeuvre provisoire du CETA.

En quoi c’est manifestement un piège grossier

La Commission Européenne sait parfaitement que le Parlement wallon ne sera consulté qu’une seule fois.  S’il donne son aval, et même si l’arbitrage attendra la ratification pleine et entière par tous les parlements des États-parties, il ne sera plus en mesure d’élever la moindre objection, que ce soit sur le fond ou sur les modalités.

Les méthodes

  • On envoie des explications et des lettres sur papier libre.  Il faut faire preuve de pédagogie, n’est-ce pas?
  • On fait pression via le gouvernement fédéral en présentant la Wallonie comme étant la seule cause de l’échec et en la présentant comme totalement isolée sur la scène internationale.
  • Les ultimatums succèdent aux ultimatums.  Ce n’est pas sérieux.

Le Canada a affirmé « qu’il ne changerait pas une ligne du texte »

  • Pendant ce temps :  « Le Canada demande à l’Europe de faire son travail dans le dossier du CETA. En clair, de convaincre Paul Magnette et la Wallonie de ratifier le texte comme prévu ce jeudi. Le Canada qui a affirmé qu’il ne changerait pas une ligne du texte[1] » (source : RTL info, 23.10).

Ces méthodes donnent une bien piètre image de la démocratie européenne, comme cela avait été le cas dans lors de la crise grecque et plus récemment lors du référendum sur le Brexit.

Comme à chaque fois, on voit une Commission Européenne bienveillante face à l’expression démocratique tant que cette expression va dans le sens souhaité et un véritable déferlement de violence et de menaces quand on ose lui opposer un refus.

Comment s’étonner après du désamour abyssal auquel est confrontée la construction européenne qui ne suscite plus désormais que la méfiance et le rejet ?  Est-il difficile de comprendre que pour construire ensemble l’Europe, on a d’abord besoin de l’adhésion des citoyens à ce projet ?

Ça suffit, maintenant

Assez de menaces, assez d’ultimatums, assez de main de fer dans un gant de velours, la Commission Européenne n’a pas à interférer dans le processus démocratique wallon, pas plus que l’État fédéral, d’ailleurs.

Cette région dispose de son propre parlement qui a émis les plus vives réserves contre notamment les mécanismes d’arbitrage et la Commission en avait été informée il y a plus d’un an déjà.  Qu’a-t-elle fait alors ?

La balle est en réalité dans le camp des négociateurs.  Ou bien ils prendront en compte les légitimes aspirations des Wallons et le texte sera amendé, ou bien ce traité ne sera jamais ratifié.

Et nous nous souviendrons

De tous nos sénateurs, de nos représentants et de notre gouvernement qui étaient prêts à signer ce texte sans l’avoir lu, ou pire, en connaissant parfaitement les implications mortifères de ces aspects du traité.  Eux qui pour deux ronds de carotte ou pour un strapontin étaient prêts à brader nos standards et nos droits aux multinationales américaines.

Notes

  • [1] Ceci confirme ce que j’écrivais vendredi.  Le Canada n’a pas l’intention d’apporter la plus petite modification au traité concernant les modalités d’arbitrage (ICS), ce qui montre assez clairement me semble-t-il que l’aspect « Cheval de Troie » faisait bel et bien partie du projet, pour dire le moins.
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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles