Non, l’armée n’a pas déjoué un attentat à Bruxelles-Central

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Quand les médias relaient complaisamment la propagande du pouvoir.

Explosion à la gare de Bruxelles-Central – Credit Remy Bonaffé via twitter

Rappel des faits

Mardi 21 juin, vers 20h30, un individu plus tard identifié sous le nom d’Oussama Zariouh a mis à feu un dispositif explosif contenu dans son bagage (trolley) au niveau moins un de la gare centrale.

Oussama Z. est arrivé à la Gare centrale vers 20h39. Il a tenté de faire exploser son dispositif à 20h44 mais la déflagration ne fut que de faible intensité. Il s’est ensuite éloigné de sa valise pour poursuivre un chef de gare vers les quais. Entre-temps, le bagage a explosé une deuxième fois avec un peu plus de puissance.

L’assaillant est ensuite remonté dans le hall où il s’est précipité vers un militaire en criant «Allah Akbar». Le soldat a alors ouvert le feu, touchant directement le terroriste présumé.

Oussama Z. est décédé sur place des suites de ses blessures.  Source : La Capitale

Manifestement, et cela devrait être bien clair pour tout le monde, l’attentat n’a échoué que parce que la bombe n’a pas fonctionné, ou n’a que très partiellement explosé, ainsi qu’on peut le voir sur la photo.

Cela n’empêche pas le ministre de l’Intérieur de déclarer sur VTM, que « Grâce à leur intervention rapide, les militaires ont empêché un acte de grande ampleur. »

Même son de cloche du côté des services d’information officiels :

Attentat terroriste déjoué à la gare de Bruxelles-Central
date : 21 juin 2017

Le mardi 20 juin 2017, à 20h30, un attentat terroriste a été déjoué à la gare de Bruxelles-Central. L’auteur a immédiatement été abattu par les militaires présents, permettant d’éviter le pire. C’est ce qu’a indiqué le Premier ministre lors de la conférence de presse à l’issue d’une réunion du Conseil national de sécurité.

Le Premier ministre a confirmé que l’organe d’analyse de la menace OCAM maintenait le niveau de menace au niveau 3. Des mesures de sécurité supplémentaires seront toutefois prises et des contrôles plus poussés seront effectués lors d’évènements publics et dans les transports en commun.

Le Premier ministre a en outre remercié les services de sécurité et le personnel de la SNCB et de la STIB pour leur réaction rapide et adéquate.  Source : Portail Fédéral

On le voit, le gouvernement, qui cherche à justifier la présence de militaires en armes dans les rues et le tout sécuritaire, n’hésite pas à torturer les faits pour les faire cadrer avec sa propagande, et la presse, jamais en reste dans ce domaine, suit servilement, à de rares exceptions près.

Ceci intervient à peine quelques jours après qu’un projet de révision de la constitution, permettant de porter la garde à vue à 72 heures ait été rejeté par la Chambre des Représentants.

Règles d’engagement des militaires déployés dans les rues

Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte à la suite de l’attentat terroriste manqué mardi soir à Bruxelles-Central, il ressort d’après les images de vidéosurveillance que les militaires ont ouvert le feu sur le suspect alors que celui-ci s’approchait dangereusement d’eux. L’auteur des faits, Oussama Z., courait vers les militaires avec un objet dans la main et criait «Allah Akbar», a indiqué mercredi le parquet de Bruxelles.

Une autopsie du corps d’Oussama Z. a par ailleurs a été effectuée mercredi après-midi par le médecin légiste. Lorsque le rapport d’autopsie définitif ainsi que le rapport de l’expert balistique seront transmis au parquet de Bruxelles, ce dernier prendra une décision définitive relative à ce dossier. Selon les éléments actuellement en possession du parquet, l’usage que les militaires ont fait de leur arme à feu s’inscrirait dans un cadre tout à fait règlementaire.

Lorsque qu’il y a un incident de tir par arme à feu effectué par les forces de l’ordre, le parquet ouvre une enquête. Il s’agit donc d’une procédure standard, mise en place à la suite de la neutralisation par les militaires de l’auteur de la tentative d’attentat terroriste mardi à la gare centrale de Bruxelles.  Source : Le Soir

Oui, seulement voilà, les militaires ne font pas partie des forces de l’ordre.  Ce sont des simples citoyens comme vous et moi.  Et en principe, les conditions de leur déploiement prévoyaient initialement qu’ils travailleraient en appui d’au moins un policier, habilité à autoriser ou non l’usage des armes de service.  La question ici n’est pas de savoir si le militaire qui a fait usage de son arme était en état de légitime défense, auquel cas il était parfaitement fondé à procéder à un tir de neutralisation.

Le problème, c’est que les « règles d’engagement » des militaires déployés, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles ils sont autorisés à faire usage de leurs armes sont secrètes.  Il s’agit d’un protocole établi entre le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Défense, dont aucun élément n’a été porté à la connaissance du public, à ce jour.

Or, je le rappelle, les soldats sont des citoyens comme les autres, et n’ont ni plus, ni moins le droit à la légitime défense que quiconque.  Ils n’ont aucun pouvoir de police judiciaire, n’ont pas même le droit de contrôler l’identité des personnes et ne peuvent fouiller les bagages qu’en appui d’un ou plusieurs policiers qui supervisent le contrôle.

C’est un principe fondamental en démocratie : la loi ne peut être secrète, elle doit être publique, et est réputée connue de chacun (nul n’est censé ignorer la loi).  Or ici, il apparaît clairement que des instructions ont été données à des militaires en vertu desquelles ils se seraient automatiquement placés au dessus des lois dans des circonstances données.

Au risque de choquer, je vais prendre un exemple volontairement caricatural.  Imaginons que ces conditions prévoiraient que les militaires peuvent faire usage de la force létale au cas où ils seraient confrontés à un particulier qui refuserait de les saluer bien bas en passant devant eux, cela ne poserait-il pas un problème ?   La charge est grossière, certes, mais le problème de fond reste posé.  Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit (Constitution, Art. 12).

La constitution a pour objet de protéger les citoyens contre toute dérive autocratique ou totalitaire d’un des pouvoirs qui lui sont subordonnés.  Mais qui est en charge de la faire respecter, sinon les citoyens eux-mêmes ?  On vous berce d’illusions quand on prétend qu’on peut accepter, en échange d’un gain hypothétique en sécurité, des petits aménagements avec la loi, qui ont pour corollaire des restrictions bien réelles, celles-là, sur vos droits.

La question étant de savoir jusqu’à quel point les citoyens sont prêts à s’enfoncer, toujours plus loin, dans l’autoritarisme en échange d’une « sécurité » parfaitement illusoire.  Et arrivé là, sera-t-il possible d’en revenir jamais ?

Un « terrorisme » décidément atypique

Bien des mystères subsistent à propos de cet homme passe-murailles. Mais en quittant mardi soir la maison du boulevard Mettewie, le ressortissant marocain avait en tout cas un objectif. « Il va là pour mourir », explique une source proche de l’enquête.  Source : La Libre

On peut imaginer, en effet, c’est d’ailleurs la narration qu’on nous présente habituellement, que l’intéressé qui avait, toujours selon la presse, des « sympathies » pour Daesh avait décidé de mourir en beauté, en se faisant exploser au milieu de voyageurs innocents après avoir crié « Allah akbar».   Oui, sauf qu’après avoir constaté que son attentat était raté, et après avoir apparemment tenté d’embarquer dans un train au niveau des quais situé un étage plus bas, l’individu est remonté, puis s’est dirigé en hurlant vers les soldats, et s’est fait (très logiquement) abattre.

Que cherchait-il, sinon, précisément, à se faire tuer ?  Il n’était pas armé et n’avait aucun explosif sur lui : il ne pouvait en aucun cas constituer une quelconque menace pour les militaires (qui eux, ne pouvaient pas le savoir – je ne remets nullement leur réaction en cause, j’aurais probablement fait pareil).

Je crois qu’on peut conclure que l’intéressé avait décidé de se suicider, en dépit du fait que l’attentat qu’il avait planifié avait misérablement échoué.  Loin, bien loin de la « mort en martyr », donc.

La question que je me pose, moi, c’est : dans quel état d’esprit faut-il être pour aller finir misérablement de la sorte ?  Ne faut-il pas être complètement défoncé, plutôt ?  J’espère que l’autopsie du suspect comprenait aussi un bilan toxicologique, parce que pour ma part, j’ai un peu de mal à croire qu’on puisse commettre ce genre de stupidité si l’on est pas sous l’influence d’un puissant psychotrope tel le captagon.

Peut-être serait-il temps également que les enquêteurs s’intéressent de très près aux flux financiers, tant vers les comptes du suspect que ceux de ses proches, plusieurs mois avant l’attentat, pour une période pouvant aller jusqu’à plusieurs mois après celui-ci.   Parce qu’une fois de plus, ce qui fait défaut, ici, c’est une motivation crédible.  Ces gens n’ont rien de véritables « terroristes » (entendez par là des gens par ailleurs équilibrés dotés d’une solide motivation politique, d’une détermination sans faille, avec des revendications politiques).  Ce sont des paumés, des laissés-pour-compte de la société, vivant de petits boulots quand ce ne sont pas des truands ou des jeunes désoeuvrés.

Suis-je le seul à penser que ces gens sonnent faux ?  Suis-je le seul à penser qu’on ne se trouve pas vraiment en face de terroristes mais en face de pauvres types qui sont instrumentalisés pour déstabiliser nos démocraties et les pousser toujours plus loin, vers le « choc des civilisations » cher à Samuel Huntington, et aux néocons de Washington ?

J’entends déjà hurler à la « théorie conspirationniste ».  Toutefois, l’histoire récente nous montre que de telles tentatives de déstabilisation ont bel et bien été menées par des réseaux clandestins de l’OTAN, et notamment le réseau Gladio.

Stratégie de la tension

Selon un document émis en 2000 par des parlementaires italiens membres des Démocrates de gauche, Gladio aurait participé en Italie à la stratégie de la tension, avec l’aide de la loge maçonnique P2, dirigée par Licio Gelli, destinée à « empêcher le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI, à accéder au pouvoir exécutif ». Perpétré par le second groupe des Brigades rouges (les fondateurs étaient alors en prison), l’assassinat du leader de la Démocratie chrétienne (DC), Aldo Moro, en mai 1978, a mis fin à tout espoir d’un compromis historique entre la DC et le PCI. De 1969 à 1980, plus de 600 attentats (4 sur 5 étant attribués aux organisations clandestines d’extrême-droite pendant les « Années de plomb ») ont fait en Italie 362 morts et 172 blessés. Ce document, dépourvu de valeur officielle, a provoqué de vifs débats au parlement italien, et a vu la validité de ses conclusions contestée.  Source : wikipedia

On pourrait aussi parler de l’Opération Condor, qui poursuivait plus ou moins les mêmes objectifs que les réseaux « Stay behind » de l’OTAN, mais pour le compte de la CIA, en Amérique du Sud.

Je ne saurais terminer sans vous conseiller l’excellent documentaire qu’Arte avait réalisé sur la campagne d’attentats qui avaient frappé l’Italie à l’époque de la « stratégie de la tension ».  Aucune de ces affaires n’a jamais pu être élucidée à ce jour.

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles