Première émission en direct sur Facebook pour François Asselineau

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Grande première pour François Asselineau, président de l’Union Populaire Républicaine, qui se prêtait hier soir, pour la première fois, à l’exercice du direct sur Facebook en répondant notamment aux questions que lui posaient les internautes.  Sur le fond, toutefois, un bilan mitigé… et décevant.

Tout d’abord, cette émission aura été l’occasion pour ce petit parti, qui ne dispose pas de moyens techniques considérables de faire la preuve d’un professionnalisme qui fera probablement crever de jalousie les ténors des partis dominants actuellement en lice pour la présidentielle.

On imagine aisément qu’ils se verraient bien, eux-aussi, toucher ce public, de plus en plus large, qui s’est détourné de la télévision pour s’informer d’une manière différente.  Mais aussi plus exigeante.

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Émissions en direct sur internet.  Un formidable porte-voix

C’est surtout pour François Asselineau un moyen de contourner la censure médiatique à laquelle il se trouve confronté.   Les grandes chaînes de télévision, de radio et les titres de la presse écrite lui sont totalement fermés avec une régularité et une constance telles qu’on a peine à imaginer que la raison puisse être autre chose qu’une censure pure et simple.  Pourquoi ?  Parce que le candidat dérange par ses opinions.  Pour la sortie de l’Euro et de l’Union Européenne, pour la sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN, pour une France libre et indépendante, dans le droit fil du programme du Conseil National de la Résistance.  Forcément, ça pique un peu.

Ces craintes, venant s’ajouter au constat qu’aucun candidat ne parvient à susciter l’adhésion au point que les électeurs risquent, une fois de plus, d’en être réduits au choix du moindre mal, sont encore accrues par l’actualité récente qui a vu le Royaume-Uni signifier son intention de quitter l’Union Européenne.  Sans que cela ne donne lieu d’ailleurs à la réalisation de la moindre des prédictions apocalyptiques des Cassandre de service.

Un public exigeant

S’agissant essentiellement d’un public dégoûté par les grenouillages auxquels les convient chaque soir les médias de masse, les réseaux sociaux sont la place où les déçus du système, les curieux et qui sait, les indécis viennent glaner l’une ou l’autre information qui leur permettra de se forger une culture politique, ou une opinion.

Dès lors, les attentes sont différentes, les exigences aussi.  Si c’est pour la jouer façon BFMTV, avec enfumage à tous les étages et garanti 100% langue de bois, passez votre chemin, le direct face à un public averti n’est pas pour vous.  L’artiste travaille sans filet, ne connaît pas à l’avance les questions qu’on lui posera, et prend le risque de se montrer sous son vrai jour, pour le meilleur ou pour le pire.

Un FA à l’aise… tant qu’on reste scotché au programme

L’intéressé est roué à l’exercice, et très a l’aise, face caméra.  Il faut dire qu’il publie régulièrement de longs entretiens d’actualité dans lesquels il décortique minutieusement celle-ci, et en livre sa propre analyse, souvent fouillée, toujours intéressante.

Seulement, dès que l’on sort des sujets qu’il a coutume de traiter, on découvre un personnage qui maîtrise mal des questions qui pourtant sont de première importance, ou qui tiennent particulièrement au coeur de son public, je vous livre ci-dessous trois exemples qui m’ont frappé.

20’00 : Deux questions d’un internaute (Frédéric Victoria)

1) FV : Bonsoir président, deux questions.  La Belgique a signé le CETA, qu’en pensez-vous ?

FA : Alors, sur le CETA (…) il y a eu un petit frémissement de quelque chose, on a cru qu’il y aurait un printemps wallon, comme il y avait eu un printemps de Prague en 1968 (…).  Ben là c’est un petit peu pareil, on a eu M. Paul Magnette, qui est à la tête de l’exécutif de Wallonie, qui a fait mine de vouloir s’opposer à la signature de cet accord de libre échange avec le Canada.  C’est une particularité de la Belgique, il y a eu des réformes institutionnelles qui ont été faites en Belgique il y a quelques années qui fait (sic) que désormais, les traités internationaux doivent être ratifiés – comme la Belgique a adopté un système très fédéral de fonctionnement constitutionnel – les traités internationaux doivent être signés à la fois par la Flandre et par la Wallonie.

Donc c’est à cette occasion que Paul Magnette s’est donné une petite réputation mondiale.  Ce qui est intéressant, c’est que, il est tout-à-fait pour la construction européenne et il n’était pas contre le CETA, il était contre un certain nombre de ses dispositions.  Il voulait, en somme, un autre CETA, comme certains veulent une autre Europe, une autre Union Européenne ou un autre Euro.

Alors il a…, il y a une espèce de crise de nerfs, qui a duré quelques jours.  On a vu d’ailleurs d’un seul coup d’un seul, tous les grands responsables européens s’indigner que la Wallonie puisse traîner les pieds (je crois que c’est même Guy Verhofstadt qui a fait valoir que les Wallons représentaient 0,3% de la population de l’UE, et donc que c’était menu fretin, qu’il ne devait pas s’opposer à une si grande oeuvre), des pressions considérables ont été exercées et puis bref, finalement, ben M. Paul Magnette a fait exactement ce qu’avait fait en son temps Alexis Tsipras, vous savez, le leader de Syriza en Grèce, ce qu’avait fait avant lui François Hollande quand il était arrivé (…).

En fait tous ces gens mentent puisqu’on ne peut rien renégocier du tout, alors ça c’est quand même un des fondements analytiques de notre mouvement politique (…).

  • Tout d’abord, M. Magnette n’a pas fait mine, il a refusé de signer en l’état, et il n’était pas le seul.  En Belgique ce ne sont pas seulement les régions (il y en a trois) qui disposent du droit de traiter (ius tractatus) mais bien toutes les entités fédérées, soient 3 régions et 3 communautés.  Et parmi celles-ci, deux régions (Wallonie, Bruxelles-Capitale) et une Communauté (française) s’opposaient tout également à la signature.  Il s’agit là bien sûr d’une spécificité belgo-belge et on ne peut pas demander à FA d’en connaître toutes les arcanes, mais d’un autre côté, personne ne lui demande de répondre à des questions dont il ignore tout, non plus.
  • Plus grave, FA essaie d’insinuer qu’en fin de compte, Magnette avait signé tout comme l’avaient fait en son temps Tsipras, etc.  Outre le fait que c’est légèrement insultant pour l’intéressé qu’il traite de menteur sans autre forme de procès, c’est factuellement inexact. Parce qu’il a obtenu des amendements importants qui seront ajoutés à la déclaration interprétative (1.300 pages), notamment concernant la résolution des conflits et la mise en place des tribunaux d’arbitrage.  À noter, et c’est important, que cette déclaration a la même force juridique que le traité lui-même, et que l’un ne va pas sans l’autre.  Ils seront ratifiés ou refusés en bloc,  ce que marque précisément la signature d’un traité : la fixation définitive du contenu.

Important également de noter que durant la période transitoire, toutes les mesures concernant les cours d’arbitrage et plus généralement celles qui doivent faire l’objet de nouvelles lois ou arrêtés au niveau fédéral ne sont pas d’application.  En l’état, il s’agit donc d’un simple traité purement commercial et non-normatif.

  • L’argument final disant « qu’on ne peut rien renégocier du tout » est ici parfaitement hors de propos.  En effet, FA assimile le CETA qui est un traité de libre échange à la constitution européenne alors que précisément ce traité était présenté à la première étape que représente la signature des États-parties.  Au contraire du Traité de Lisbonne qui est, quant à lui, déjà d’application (01.12.2009) après avoir été ratifié par tous les États membres.  Alors, ignorance crasse ou mauvaise foi ?  Personnellement je pencherais pour la seconde hypothèse, mais dans tous les cas ceci ne peut que nuire à sa crédibilité.  Il aurait pu nous dispenser de ce mauvais sketch.

2) FV : Il court le bruit que la BCE exhorte les gouvernements à légiférer sur les crypto-monnaies de type bitcoin, quelle est la position de l’UPR à ce propos et le retour au franc ?

FA : Alors sur les affaires de Bitcoin et ce genre de monnaies, je préférerais que ce soit Vincent Brousseau, notre responsable monétaire qui s’exprime.  Moi, le sentiment que j’ai, sur ces monnaies, c’est que c’est une fausse solution (…).  Les monnaies de style Bitcoin ne sont assises sur rien, rien de tangible, si je comprends bien, alors certes on me dira « mais le dollar non plus ! » , ce sont des monnaies fiduciaires (…).

Alors, le Bitcoin, derrière, en fait, il n’y a rien,  on ne sait même pas qui sont vraiment les émetteurs, donc tout ceci est à mon avis quelque chose de très dangereux, de très flou, de très opaque et sur lequel il faut être extrêmement prudent.

FA montre ici, au dernier paragraphe notamment qu’il ne sait rien, mais alors rien du tout des crypto monnaies, et plus généralement des monnaies fiduciaires, d’ailleurs.  Notez qu’il avait eu la bonne idée de le déclarer en préambule.  Néanmoins, ce qui m’interpelle ici, c’est précisément l’intention d’aller au bout… pour sortir des inepties du genre  » tout ceci est à mon avis quelque chose de très dangereux, de très flou, de très opaque et sur lequel il faut être extrêmement prudent ».

Ce qui amène immédiatement une autre question, bien plus importante, sur laquelle il serait bon que le futur candidat s’exprime : a-t-il l’intention, au cas où il emporterait l’élection présidentielle, de rendre à l’État le pouvoir qu’il n’aurait jamais du céder aux banques, celui de battre monnaie, et ainsi leur enlever le principal outil visant à maintenir les pays dans l’endettement, et finalement dans l’esclavage ?

51’40 : Question de Ludovic Passeri

LP : Etienne Chouard, Michel Onfray, sont tout proches de vos analyse, Est-ce qu’il ne serait pas judicieux de les contacter afin de les faire rallier le mouvement ?  Les médias seraient je pense plus accessibles.  Vive l’UPR.

FA : C’est une idée sympathique (…).  Alors, d’abord, Étienne Chouard, je le connais, je l’ai déjà rencontré en tête-à-tête plusieurs fois, on s’était entretenu longuement, on avait pris un verre, comme on dit, mais qui avait duré longtemps, à Paris, il y a plusieurs années (…).  Étienne Chouard est quelqu’un que je connais, que j’apprécie.  On a eu un désaccord sur son idée de tirage au sort.  Je trouve que c’est un lanceur d’idées, je trouve que de ce point de vue-là, c’est quelqu’un de tout-à-fait intéressant et une personnalité très attachante sur la scène politique française (…).  J’en ai conservé une idée dans le programme présidentiel, c’est-à-dire autant je pense que c’est impossible à mettre en place pour toute une série de raisons très très sérieuses, par exemple au niveau des députés, en revanche, je pense que par exemple pour avoir des panels, des panels consultatifs, par exemple pour le CSA.  Pour le CSA, c’est totalement inadmissible que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel soit dirigé par neuf personnes, comme le Conseil constitutionnel, qui sont nommées par la Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée Nationale.

Je trouve que ces personnes devraient être choisies selon un processus totalement différent, avec des magistrats, et puis qu’il y ait obligation d’avoir un panel, mais cette fois-ci avec un tirage au sort, mais sur une échelle de 70.000 ou 80.000 personnes, par exemple avec les boîtiers qui peuvent être attachés à une télévision, de telle sorte qu’on puisse recueillir en permanence quel est l’avis des téléspectateurs ou des Français.  Par exemple qui est-ce qu’ils veulent voir à la télévision, ou qui est-ce qu’ils en ont assez de voir à la télévision, voilà.  Cela serait tout à fait révolutionnaire et là, pour le coup, il me semble qu’on pourrait avoir un système de tirage au sort, c’est un exemple, mais il y en a d’autres, certainement.

Voilà, en attendant, je crois savoir, quand je dis « je crois savoir » c’est que je sais qu’Étienne Chouard, je crois, a dit du bien des analyses que je fais, nous sommes en bons termes, et à plusieurs reprises, donc, il a soutenu notre action, nos analyses.

Si Étienne Chouard veut adhérer à l’UPR, il est le bienvenu, bien sûr… voilà.  Mais c’est un grand garçon, c’est à lui de décider s’il souhaite venir ou s’il ne souhaite pas venir.  Il souhaite peut-être garder son indépendance.  Moi je respecte absolument tout ça (…).

Lorsqu’on écoute et ré-écoute cette partie de la vidéo pour la transcrire, on est interpellé par le nombre de cafouillages, bredouillages et autres bégaiements.  En fait on sent clairement que la question dérange sérieusement l’intéressé, et sa réponse vaut son pesant de cacahuètes.

Après avoir longuement passé la pommade, il écarte d’un revers de la main le tirage au sort pour  » toute une série de raisons très très sérieuses »… mais que vous n’avez pas à connaître, là.  C’est tout.

Quoique… non, en fait, le tirage au sort il le veut bien mais à titre « consultatif » pour permettre à un large « panel » de téléspectateurs Français de choisir qui ils veulent voir et qui ils ne veulent plus voir à la télé.  Pas belle la vie ?  C’est en effet une idée ré-vo-lu-tion-aire, je suis bien sûr qu’Étienne Chouard appréciera, même si mon petit doigt me dit que ce n’est pas demain qu’il prendra sa carte à l’UPR.

J’ai aussi beaucoup goûté le ton condescendant dans la formule « C’est un grand garçon », surtout quand on sait qu’Étienne Chouard a presque un an de plus que lui…

Conclusion

Je pense qu’Asselineau est pétri de qualités, et que c’est un homme de convictions.  Mais il est aussi empreint des contradictions politiciennes inhérentes à son ambition : eh oui, comment être Président de la République et en même temps rendre le pouvoir au peuple ?

Pareil sur le CETA, qui illustre le dicton américain qui dit que pour un marteau, tout ressemble à un clou.  Il ramène tout à la Constitution Européenne, même lorsqu’il sait pertinemment que cela n’a rien à voir.

Ce faisant, il oublie un détail que je mentionnais en début d’article : ce n’est pas à la ménagère de plus de cinquante ans qu’il a affaire, ici, mais à un public averti; et quand il y a parmi elles des ménagères de plus de cinquante ans, ce sont parfois les plus virulentes et les mieux informées !

Je suis donc déçu, mais pas trop, parce que je n’ai jamais fait trop confiance à quelque politicien que ce soit.  J’espère qu’il se reprendra et essaiera d’adopter un discours plus cohérent et plus honnête, quitte à devoir répondre « je ne sais pas » ou « non je ne partage pas ses idées sur le tirage au sort parce que… ».  Les petits mensonges politiciens, il vaudrait mieux qu’il les laisse aux menteurs professionnels, lui qui justifie notamment sa présence en politique par une vision différente et plus droite des valeurs républicaines.

Oh, je sais bien, même son « mentor », Charles De Gaulle, savait très bien qu’il était en train de trahir lorsque le 4 juin 1958, à Alger, devant une foule immense réunie sur la Place du Forum il prononça les mots qui devaient rester célèbres : je vous ai compris !

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles