Quand la répression vire au gag

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C’est un épisode digne d’un sketch, qu’on s’attendrait plus à lire dans les feuillets de NordPresse que dans les pages du Monde.

Hier, 8 décembre, Julien Coupat a été interpellé à Paris, et placé en garde à vue pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations ».

Cette pièce d’anthologie, je me propose de la disséquer devant vos yeux pour en faire ressortir la substantifique moelle.

« Gilets jaunes » : Julien Coupat, relaxé du procès de Tarnac, interpellé à Paris

Le militant d’ultragauche a été placé en garde à vue, avec un de ses proches, arrêté au même moment.

Dans lequel on rappelle que l’individu était dans le box des accusés lors du procès de Tarnac (fondé sur une accusation de terrorisme en bande organisée pour arriver à… rien, et il avait été logiquement relaxé).

Vous aurez noté qu’il reçoit le (tout nouveau) qualificatif d’ultragauche.  C’est quoi l’ultragauche ?  C’est comme la gauche radicale, l’extrême gauche, la gauche militante ?  Non, c’est ultra, vous entendez ?  C’est bien pire qu’extrême !  On sent tout de suite que ces gens sont prêts à tout, d’ailleurs nous le verrons plus loin.

Il a été placé en garde à vue pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations », a fait savoir une source judiciaire. (…)

Selon une source proche du dossier, Julien Coupat a été arrêté près du parc des Buttes-Chaumont, au nord de la capitale, en fin de matinée, vers 11 heures. Selon son avocat, Me Assous, interrogé par Le Monde, il était à bord d’un véhicule à l’arrêt, accompagné d’un proche, musicien. Les policiers ont découvert un gilet jaune, un masque de chantier et des bombes de peinture lors de l’interpellation, a précisé cette source.

Voilà voilà, donc, l’individu était à bord d’un véhicule (arme par destination), accompagné d’un proche (un complice), et les policiers ont découvert… un gilet jaune (signe de ralliement à des séditieux), ainsi qu’un masque de chantier (arme de guerre) et des bombes de peinture.  C’est presque un flagrant délit, en fait !  Des bombes de peinture, je m’étonne que personne n’ait encore songé à ajouter l’incrimination de terrorisme.

S’ensuit un énième rappel de « l’affaire de Tarnac » qui restera dans les annales comme le plus gros nothingburger judiciaire de ces 30 dernières années.

Faisant partie des principaux prévenus, aux côtés de son ancienne compagne Yildune Lévy, Julien Coupat avait comparu en début d’année, soupçonné notamment pour le sabotage d’une ligne SNCF. Initialement poursuivis pour terrorisme avant d’être jugés pour des délits de droit commun, tous deux avaient uniquement été condamnés pour refus de prélèvement biologique mais ont été dispensés de peine.

Procès d’intention, arrestation et détention arbitraire

Est-il bien nécessaire de rappeler qu’en France, la liberté d’aller et venir, et la liberté de manifester pacifiquement sont garantis par la constitution de la cinquième république qui intègre en préambule la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ?

On peut notamment y lire :

II.

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

IV.

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

VII.

Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout Citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi, doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

X.

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Quand l’État et ses représentants s’affranchissent des lois fondamentales, quand les droits élémentaires des citoyens sont foulés aux pieds, quand la justice devient l’outil de la répression, que reste-t-il de la démocratie ?


>> Article original sur le Vilain Petit Canard

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles