Quand le journal libération accuse Macron de « soutenir le terrorisme »

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Dans une tribune offerte à une centaine d’ « intellectuels », le quotidien de gôche se livre à son exercice favori, la défense des positions radicalement atlantistes.

Bachad al Assad - Source kremlin.ru

« Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme »

Le quotidien sartrien n’y va pas par quatre chemins, et s’en trouve encore moins gêné qu’il le fait dire par une brochette « d’intellectuels » qui ont pratiquement tous en commun d’être de parfaits inconnus, et quand on les connaît, c’est généralement pour leur sympathies avec des think-thanks d’obédience néocon ou leur proximité avec l’opposition syrienne.

Ce qu’avait dit Macron

Et il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! Source : Le Temps

En gros, le nouveau président prend acte de la nouvelle donne géopolitique en Syrie, l’échec de la tentative de renversement du pouvoir par la « soi-disant » Armée Syrienne Libre, qui n’existe que dans la tête d’un certain nombre d’illuminés à 6.000 Km de Damas, et qui repose en fait sur une armée de proxy composée essentiellement de bandits sans foi ni loi qui a sévi sur le territoire syrien et une partie de l’Irak sous le nom de Daech.

À noter aussi qu’à ce stade ça reste une Macronade de plus venant du gars qui était capable de dire un jour qu’il n’était pas socialiste et le contraire le lendemain.  Disons que ça ne mange pas de pain, et c’est à prendre pour ce que ça vaut.  Du vent.

Sur le fond, il s’agit d’une position cohérente : à partir du moment où toutes les manoeuvres visant à renverser Bachar al Assad ont échoué, alors même que Daech est sur le point d’être laminé par l’armée syrienne appuyée par l’aviation russe, c’est avant tout un constat d’impuissance.

Il devient de plus en plus clair qu’une intervention massive en Syrie, la seule qui serait à même d’amener un renversement du régime par la force est désormais exclue, parce qu’elle déboucherait inévitablement sur un conflit ouvert avec l’allié russe.  La position du président Macron est donc cohérente et réaliste.

Maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme

Cette antienne, qui revient ponctuellement comme un marronnier a un petit côté Orwéllien.

La guerre, c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force.

Et chacune des deux propositions contenues dans l’argument sont également fausses.

  • Maintenir Assad : la question n’est pas de maintenir ou de renverser Assad, parce que le rapport de forces étant ce qu’il est, on peut bien vouloir tout ce qu’on veut, cela ne change rien à l’affaire.  Vous aurez d’ailleurs noté qu’à aucun moment le président Macron n’a parlé de maintenir Assad, mais a simplement exprimé qu’il ne voyait pas sa destitution comme un préalable (à tout).
  • Soutenir le terrorisme : en termes d’inversion accusatoire, on frise l’indécence.  Qui essaie de renverser Assad ?  Les « terroristes » de Daech et autres Al Qaeda  qui ont été soutenus y compris financièrement et militairement par la coalition, y compris la France.  Qui lutte contre les terroristes ?  L’armée arabe syrienne appuyée par l’aviation russe.  Les autres ne font que temporiser quand ils ne protègent pas purement et simplement ces terroristes contre l’armée loyaliste.

Il faudrait, à un moment, arrêter de prendre les lecteurs pour des quiches, parce que ça commence à se voir un peu.

La réponse du Vilain Petit Canard aux pétitionnaires

Chers Intellectuels,

La question de la légitimité (ou pas) de Bachar al Assad n’est pas du ressort du nouveau président élu, ni même du vôtre.  Vous êtes, avec votre propre engagement politique, des citoyens français comme les autres, pour ceux qui ne seraient pas étrangers.  Cela vous donne le droit, chaque fois que des élections sont convoquées, d’élire vos représentants et votre président.  Il ne vous aura pas échappé, sans doute, que la Syrie est un État souverain, reconnu comme tel au sein des Nations-Unies, et non une colonie française, un Bantoustan où vous pourriez vous comporter comme chez vous.

Le principe général du droit international est la non ingérence et le respect de la souveraineté des États.  La seule exception prévue par la Charte des Nations Unies est le Chapitre VII (articles 39 à 51)  qui traite de l’action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression.

Or le Conseil de Sécurité n’a pris la moindre décision sur le dossier syrien, tout simplement parce que les propositions ont fait l’objet d’un veto russe.  Donc, du point de vue strictement légal, l’intervention en Syrie tout comme les précédentes agressions au Moyen Orient sont parfaitement contraires au droit.  C’est la loi du plus fort, le Far West, une guerre néocoloniale de plus pour le pétrole et le gaz.  Et cette marotte détestable semble bien être en passe de devenir le nouveau standard.  Mais la répétition d’un crime, ou le dévoiement d’une réalité sordide par les moyens d’une propagande de guerre savamment entretenue n’en font pas une bonne action.

Du coup, Chers Intellectuels, vous êtes bien mal placés pour nous parler de légitimité, et les termes ronflants comme «exigences de justice » peinent à cacher une réalité autrement plus minable, à mille lieues des idéaux élevés que vous arborez comme des oripeaux.

Vous avez l’indignation bien sélective, et pour vous, une bonne victime ne peut être qu’une victime du « régime », n’est-ce pas ?  Les centaines de milliers de victimes massacrées par la gentille opposition, elles, comptent pour peu, n’est-ce pas ?   On pourrait aussi parler des milliers de victimes des bombardements alliés, tant sur la Syrie que sur l’Irak ?

Votre prose n’est qu’un ramassis de caricatures plus éculées les unes que les autres, et ce qui ne trompe personne, c’est qu’elle dresse un tableau à sens unique : la gentille opposition démocrate face au dictateur sanguinaire.  Mais elle est où votre gentille opposition démocrate ?  Les putains de barbares qui décapitent, brûlent vif, violent et donnent à leurs esclaves sexuelles leur propre gosse, servi avec du riz, c’est ça ?  Vous n’avez donc aucune vergogne, aucun reste de décence ou d’humanité ?

Vous avez déjà perdu.  La coalition a perdu, et les plus clairvoyants ont bien compris qu’il fallait désormais intégrer cette nouvelle donne géostratégique dans leur politique.  Il n’y a vraiment que des taupes dans votre genre pour ne pas comprendre cela.

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles