Qui provoque qui ? Un point sur le traitement de l’information

Temps de lecture : 3 minute(s)

Voici un autre sujet qui montre bien l’engagement des médias traditionnels dans la façon de traiter l’information et l’influence négative qu’ils exercent sur une large partie de la population. Ici et là, on lit, depuis quelques années, que les « intrusions » militaires russes[1] en territoire français sont une « provocation »[2] ! C’est bon, vous avez bien compris ?

« les intrusions militaires russes en territoire français sont une provocation »

Alors maintenant, passons aux choses sérieuses et analysons un peu l’information à tête reposée. Que pouvons nous en dire ? D’abord, qu’il n’y a jamais eu d’intrusion russe dans l’espace aérien français ! « Quoi ? Les médias nous mentent ? », certains médias oui et très ouvertement. Je le répète : aucun avion russe n’a pénétré dans l’espace aérien français à ce jour et ceci se démontre assez simplement. Les médias rapportent 5 « intrusions », toutes à plus de 100km des côtes françaises[3].

Or d’après la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer[4] l’espace aérien d’un État s’étend jusqu’au dessus de la mer territoriale, soit à 12 milles (environ 20km) des côtes[5]. Au delà des 12 milles, un avion militaire est… dans l’espace aérien international et a le droit d’y être ! Donc, les Russes n’ont à aucun moment pénétré dans l’espace aérien français.

Allez, on ne va tout de même pas s’arrêter en si bon chemin sur le traitement de l’information en terme de « provocation » militaire. Pourquoi ne pas aller voir ce que font les autres pays ? Prenons un pays au hasard… Les États-Unis d’Amérique ! Ah si ! Ça arrive que les bâtiments de guerre des USA ou leurs avions se rapprochent un peu des côtes d’autres pays. Si si, non, on ne dirait pas mais… si. Ici en mer Baltique près des côtes russes[6], là en mer Noire près de côtes russes (au moins 2 fois en un an)[7], par ici dans le détroit d’Ormuz près des côtes iraniennes (au moins 2 fois en un an)[8] ou par là en mer de Chine (au moins 3 fois en 3 an)[9]. Et j’en passe parce que la liste serait bien plus longue.

Curieusement, on notera le deux poids deux mesures dans le traitement de l’information. Lorsqu’il s’agit des USA qui se rapprochent (légalement) des côtes de pays étrangers, nos journalistes prennent le soin d’« oublier » de parler d’« intrusion » ou de « provocation ». Alors que pour les russes ils ne s’en privent pas, quand bien même la situation est comparable. Mieux, les journalistes reprennent les éléments de langage de l’armée américaine : ce sont les autres les « provocateurs » même si ce sont les militaires américains qui se rapprochent de leur côte (à l’exception d’un cas en mer de Chine). Accuser l’autre de provocateur alors qu’on est soi-même en situation de provocation, c’est fort ! On notera également le déploiement massif (par ailleurs tout à fait légal) de soldats et de matériel militaire lourd (tanks, hélicoptères…) à la frontière russe[10]. Là encore, à aucun moment les journalistes ne mentionnent une provocation de la part des USA.

Alors quoi ? Pourquoi traiter des situations analogues de deux manières différentes ? Des avions militaires russes au large des côtes Bretonnes ? Une provocation des Russes. Un navire de guerre des USA aux larges des côtes russes ? Une provocation des Russes qui survolent le navire Américain. On ne pourrait pas dire un jour que les militaires des États-Unis d’Amérique sont autant dans la provocation ? Pourquoi diable cette satanée différence de traitement ? Pourquoi systématiquement faire passer le Russe, le Chinois et l’Iranien pour le « provocateur » ? Quels sont les conséquences d’un tel matraquage médiatique si ce n’est une poussée de l’antirusse, l’antichinois ou l’antiiranien ? Ces histoires vont mal se terminer si on n’y prend pas garde. Nous devons exiger un traitement identique de l’information pour des situations identiques !

Article original –  Stéphane Le Courtois


NOTES

Ailleurs (générique)

Cette catégorie générique reprend les articles provenant de diverses sources (soit libres soit avec la permission de l'auteur).