Visite du Président Américain à Londres sur fond de Brexit

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Visite du Président Américain Barrack Obama à Londres sur fond de consultation populaire en vue de décider du maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union Européenne.
Le 23 juin prochain, les Britanniques seront appelés à voter sur le maintien du pays au sein de l’Union Européenne.
Faut-il préciser que les dirigeants Européens (mais pas qu’eux) sont un peu fébriles à l’idée que les Anglais pourraient reprendre leur liberté, et que cette envie de liberté pourrait fort bien s’avérer contagieuse.
Il deviendrait difficile dès lors aux autres Etats membres de refuser à leurs citoyens de s’exprimer sur la question.
Et en pareil cas, étant donné le peu de crédit que les citoyens Européens apportent encore à ces institutions vues comme antidémocratiques et ultra-libérales, on peut fortement douter qu’une majorité d’entre eux seraient pour le maintien dans l’UE.
Ceci mettrait un terme définitif à l’Europe telle que nous la connaissons.
Pendant ce temps, à Londres
En tournée européenne, la dernière de son mandat, le Président Américain avait choisi la city comme première destination. Il faut dire que l’enjeu pour les Etats-Unis est de taille. Il n’agit ni plus ni moins que de défendre le futur Traité Transatlantique (TTIP).
Lors d’une conférence de presse, le Président Américain a menacé le Royaume-Uni, vendredi 23 avril, de « passer en queue de peloton » de ses relations commerciales avec les États-Unis s’il choisit de quitter l’Union européenne (UE) à l’issue du référendum du 23 juin :
Certains pensent peut-être qu’il y aura un accord de libre échange USA/Royaume-Uni mais cela n’arrivera pas de sitôt (…) Le Royaume-Uni sera en queue de peloton. Source : Huffington Post
On peut difficilement être plus clair. A part cela, les Etats-Unis sont les amis du Royaume-Uni avec lequel ils entretiennent une relation très privilégiée. On n’ose pas imaginer ce que ça serait s’ils ne portaient pas les Anglais dans leur coeur !
Ces menaces n’ont pas été du goût d’une centaine de Membres du Parlement qui ont écrit à l’ambassadeur des Etats-Unis à Londres pour protester contre cette ingérence.
Le pari était assez risqué pour Barrack Obama. En ne disant rien, il sait que le résultat du vote risque d’être serré, et en marquant sa préférence pour le maintien dans l’Union Européenne, il risque de donner l’impression aux Anglais que le destin du pays ne se décide pas à Londres, mais à Washington.
Le Soir… tombe !
Le quotidien, toujours à la pointe quand il s’agit d’exercer son devoir d’information a choisi de publier un article people, resucé du Daily Mail (une référence en la matière) traitant de la visite mondaine du couple Obama au Prince William, son épouse et leur charmant bambin.
Dans lequel on apprend que
Barack et Michelle Obama ont été accueillis par le petit prince George en… robe de chambre et peignoir blancs
Et aussi :
Après avoir serré la main du Président américain, le petit George en a profité pour jouer sur le cheval à bascule offert par les Obama à sa naissance… avant de vite repartir se coucher ! Trop mignon !
Voilà, c’est dit : il est trop mignon.
Pas un mot sur la véritable raison de la visite d’Obama à la veille d’un scrutin qui pourrait bien s’avérer historique.
Pas un mot sur les enjeux et les possibles conséquences d’une sortie de l’UE.
La crise européenne
La construction européenne traverse actuellement une crise majeure. Les citoyens n’ont plus aucune confiance dans ses institutions qu’ils jugent peu transparentes, et dans une politique économique désastreuse : délocalisations, détricotage des services publics, dumping social, etc.
A la tête de ces eurosceptiques, il était assez naturel de retrouver les Britanniques qui n’ont jamais été vraiment convaincus.
Mais il ne faut pas s’y tromper, le référendum britannique n’est que la face émergée de l’iceberg, parce que la population européenne, dans son immense majorité, partage peu ou prou la même défiance vis-à-vis de Bruxelles.
Il se trouve simplement que cette majorité de citoyens, au rang desquels la plupart des pays fondateurs (et ce n’est pas bon signe) n’ont pu à aucun moment exprimer leur adhésion ou leur rejet du projet européen tel qu’il existe.
La question que je me pose, c’est pourquoi la presse -dont c’est pourtant le rôle- ne traite pas plus en profondeur de ce déficit démocratique. Pourquoi elle ne pose pas les jalons du nécessaire débat de société qui est la seule issue pour sortir d’une crise qu’on ne pourra pas indéfiniment cacher sous le tapis ?
En faisant le jeu des élites qui nous dirigent, en occultant le débat par l’autocensure et le politiquement correct, la presse, non seulement ne remplit pas sa fonction de contre-pouvoir démocratique, mais en plus, elle se tire dans le pied.
A partir du moment où les citoyens réalisent qu’il n’y a plus rien d’autre dans la presse que des articles lénifiants ou futiles sur des sujets bien consensuels, il ne faut pas s’étonner qu’ils la délaissent.
La presse : chien de garde ou chien de berger ?
Dans une société démocratique, une presse indépendante est un des garants de la liberté.
Ce n’est pas sans raison que là où le totalitarisme règne, la presse indépendante ne peut exister.
A l’inverse : est-ce qu’aujourd’hui en Belgique, le fait de n’avoir plus de presse véritablement indépendante signifie que nous vivrions dans une parodie de démocratie ?
La question mérite d’être posée, me semble-t-il.