Les pièges du Labyrinthe

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La grogne sociale a fait place à la douce torpeur estivale, des mouvements comme Nuit Debout peinent désormais à mobiliser les citoyens, découragés.  Pourtant rien n’a changé, sinon en pire, la présidentielle se profile à l’horizon, les candidats affûtent leurs programmes basés sur la duperie, et le gouvernement n’a de cesse de dresser les citoyens les uns contre les autres.

Oh bien sûr, avec la rentrée les citoyens retrouveront leur routine, et avec elle, la conscience que la trêve estivale n’a rien arrangé. Ce serait plutôt le contraire, en fait.

Il y aura sans doute encore, dès le 15 septembre des manifestations contre la loi travail (et son monde), mais de quelle ampleur ? Est-ce que le mouvement ne s’est pas essoufflé, les citoyens sauront-ils se secouer de la résignation qui les gagne ?

De l’incompétence des gouvernants

Il faut arrêter de croire que nos gouvernants sont incompétents, parce qu’ils n’arriveraient pas à endiguer le chômage ou à faire face à la menace terroriste et la montée de l’extrême droite.  Ce sont des stratégies de gouvernement, pas des erreurs.  Des moyens visant à maintenir la population dans un état de prostration face à une situation anxiogène.  Il faut occuper le peuple, et le maintenir dans la dépendance de ses dirigeants.

Leur but n’est nullement l’amélioration des conditions de vie de leurs concitoyens, mais bien de pérenniser le système par tous les moyens.

Réactions face au stress

Il faut se rappeler qu’avant d’être une personne, l’homme est un animal, et comme les autres animaux, il n’a que trois réactions possibles face à une situation de danger imminent :

  • Il s’immobilise.  C’est la prostration, en espérant que le danger passera.  Certains animaux vont jusqu’à faire le mort en présence d’un prédateur en espérant ainsi lui échapper.
  • Il fuit.  La peur libère quantité d’adrénaline dans le sang qui va doper le métabolisme.  Accélération du rythme cardiaque, dilatation des bronches, meilleure oxygénation notamment du cerveau, conscience aiguë de l’environnement.  Il s’agit de se mettre en sécurité le plus rapidement possible.
  • Il fait face, et décide de combattre. Là encore l’adrénaline libérée lui permettra d’augmenter significativement ses capacités, en vue de vaincre l’ennemi ou du moins de le mettre en déroute.  Parfois dans la nature, ce genre de détermination suffit car le prédateur sait que s’il est blessé gravement dans l’aventure, il mourra lui aussi.

Faut-il préciser que des trois réactions, la première est la plus funeste.  En effet, face à une agression, si vous n’opposez aucune réaction, la légitime colère et la violence que vous avez réprimées se retourneront contre vous.  Pire, vous vous placez en situation d’accepter (implicitement) la violence et vous en développerez un sentiment de culpabilité, peu importe qu’il soit infondé.

Et comme notre société réprime la violence (en tout cas quand ce n’est pas l’État lui-même qui en use), vous vous retrouverez pratiquement dans tous les cas dans la situation du lapin qui, pris dans le faisceau des phares d’une voiture s’immobilise, tétanisé.

Le sentiment de culpabilité amène le constat d’impuissance, qui amène logiquement la recherche de celui qui pourra apporter la sécuritéIl faut avoir peurIl y a des terroristes partoutNous sommes tous en danger !  Même si en matière de statistique vous avez nettement plus de chances de mourir étouffé par un noyau de cerise en décembre.  Qu’importe, on est désormais dans le domaine de l’irrationnel, celui de l’angoisse, qui naît d’une situation de stress prolongée.

Et ce n’est pas un hasard, mais bien un moyen, tout comme le chômage est un moyen de vous pousser à accepter toujours plus de compromis et d’accommodements sur le détricotage généralisé de tout ce qui constitue la protection sociale des travailleurs.

De l’impuissance politique

Dans nos ploutocraties modernes qui se disent démocratiques, tout est milimétré pour maintenir efficacement les citoyens en dehors de tous les mécanismes décisionnaires.  Particratie verrouillée de l’intérieur, contrôle total des médias, répression brutale des mouvements sociaux.  C’est la violence à tous les étages, même si cette violence est, sur papier, légale.  A une époque, l’esclavage aussi était légal, mais était-il légitime ?  La vraie question étant de savoir pour qui sont écrites les lois ?  Que protègent-elles sinon le pouvoir en place ?

Face à un tel déni démocratique, de plus en plus de citoyens écoeurés choisissent de ne plus participer à cette farce, et d’autres comme Etienne Chouard tentent d’éveiller leurs concitoyens à la démocratie vraie, mais pour quel résultat ?

L’abstentionnisme

C’est un fait, les élections en France ne passionnent plus vraiment les foules, et pour cause, puisque bon nombre de citoyens ont compris qu’il ne s’agit que de pantalonnades et qu’aucun changement positif ne sortira des urnes.  Votez à droite ou à gauche, aujourd’hui, c’est plus ou moins la même chose.  D’ailleurs il ne faut pas être très observateur pour voir que le gouvernement (socialiste) de Manuel Valls est nettement plus à droite par exemple que le gouvernement de droite en Belgique (MR-NVA).

Pour le dire autrement, quelle que soit la majorité au pouvoir, elle ne fera qu’appliquer à la lettre les diktats de la Commission Européenne, repris notamment dans les GOPE (Grandes Orientations de Politique Économique).  Et faut-il préciser que cette commission (élue par personne) est à la botte du monde de la finance et des multinationales ?

Mais il y a une forme de capitulation et de renoncement dans l’abstention que je ne puis cautionner.  Il s’agit d’abord et avant tout d’une réaction puérile, comme celle d’un enfant qui, voyant que le jeu ne se déroule pas comme il veut déclare qu’il ne joue plus et part bouder dans son coin.  Faisant cela, on laisse les mains libres aux escrocs qui nous gouvernent.  Ce n’est pas un peu facile de leur abandonner ainsi le champ de bataille sans combattre ?  C’est une bien piètre consolation de pouvoir clamer haut et fort Not In My Name, quand pendant les cinq années qui suivront vous serez dirigé par celui-là même que vous aurez contribué à élire !

Eh oui, il n’y a pas que je sache de seuil de participation en deçà duquel les élections ne seraient pas valides, d’ailleurs les abstentions ne sont même pas comptabilisées.   Ainsi ne pas voter, c’est déjà voter.  Mal.

Il existe pourtant des solutions, qui à défaut d’amener un changement radical (mais l’abstentionnisme change-t-il quelque chose ?) pourraient à tout le moins faire prendre conscience aux politiques, mais aussi, plus largement, à la population, du niveau abyssal de l’impopularité des dirigeants.  Je pense par exemple à un candidat « blanc » qui ne serait candidat que pour cela : ramasser des voix dont vous seriez sûr, cette fois, qu’elles ne profitent à aucun des autres candidats.

Cela pourrait être aussi le report sur des candidats comme François Asselineau, qui a mis en tête de son programme la sortie de l’UE et la sortie de l’OTAN.  Oui, il est de droite, ou plus précisément de centre-droit dans la tradition Gaulliste.  En tout état de cause, même si on élit une chèvre aujourd’hui à l’Élysée, elle pourrait difficilement faire pire que son prédécesseur.

Il y a aussi d’autres candidats, comme J.-L. Mélenchon, même si personnellement, je le vois surtout comme le conducteur de la camionnette-balai du parti socialiste.  Rebelle, mais pas trop, hein.  Contre l’Europe, mais avait voté en faveur du traité de Maastricht.  Contre les abus de pouvoir de la Commission Européenne mais ne se prive pas de manger à la gamelle que constitue son mandat de député européen.  À mon avis, une girouette qui reste convaincue des vertus rédemptrices d’un État supranational européen improbable dont nous voyons aujourd’hui qu’il ne s’agissait que d’une utopie de façade visant à la destruction des États-nations au profit de la seule économie américaine.  Eh, quand un communiste se met à défendre la mondialisation, on peut commencer à se poser quelques questions sur l’honnêteté de sa démarche.

Étienne Chouard et ses gentils virus

Je parlerai ici principalement d’Étienne Chouard1 et de son plan « C », dont les idées ont été reprises largement par plusieurs mouvements d’initiative citoyenne, y compris Nuit Debout.

L’idée est simple, il s’agit de revenir aux fondamentaux de ce qu’était la démocratie lors de son invention par les Athéniens.  Cela passe par la création d’une Assemblée Constituante de citoyens tirés au sort qui auraient la charge d’écrire une nouvelle constitution qui ne soit pas susceptible d’être corrompue par des intérêts particuliers.

Dès lors, les mandataires politiques (qui ne pourraient pas être issus de la constituante) seraient eux aussi tirés au sort pour exercer un mandat à durée déterminée, sous le contrôle du peuple.

L’idée est excellente, une seule conférence d’une heure suffit à en faire le tour.

Pour la mise en oeuvre ?  Il compte sur la propagation des idées et la conversion des citoyens à la démocratie : leur émancipation.

En quoi le bât blesse ?

Je ne parlerai pas des ridicules procès d’intention qu’on lui a faits pour tenter de l’assimiler à l’extrême droite ou a des complotistes, l’intéressé n’ayant jamais eu aucune visée politique, alors que l’extrême droite ne vise que ça.  Il est aussi ridicule d’associer Chouard à l’extrême droite que d’associer Gandhi à Hitler… Et pourtant n’a-t-on pas une lettre de Gandhi au Chancelier allemand dans laquelle il lui servait du Cher Ami, et trouvait en lui le seul homme capable de prévenir la guerre mondiale qui s’annonçait ?  Je pense surtout qu’il s’agit de salir la réputation d’un homme dont on voit qu’il est charismatique et incorruptible.  Les antifas sont l’autre tranchant de la même épée.  Au titre de lutter contre « le fascisme » ils ont réussi à s’accaparer un pouvoir prohibitif notamment dans les assemblées Nuit Debout… Le pouvoir discrétionnaire de police.

Mais alors où est le problème ?  Eh bien c’est simple, vous pouvez convertir 10 millions de personnes à la démocratie vraie, cela ne changera strictement rien de rien.  Au risque d’endosser la tunique de l’avocat du diable, je dirais que si l’on apprenait demain qu’en réalité Chouard est payé par Matignon pour endormir les contestataires cela ne changerait encore rien.

Parce qu’on reste dans le domaine des idées et que les politiciens sont dans le domaine du concret.  Ils ne sont pas idéalistes, ils sont pragmatiques, cupides, menteurs psychopathes et extrêmement déterminés à ne rien changer à un système taillé sur mesure pour les satisfaire au détriment du reste de la population.

Ainsi quoiqu’on en dise, une grève de deux semaines de la CGT a fait infiniment plus de mal au gouvernement que toutes les manifestations réunies, que toutes les nuits debout et tous les ateliers constituants des 10 dernières années.  Un petit oeuf sur la tête de Macron a nettement plus d’impact dans les médias (et son ego) que toutes les idées ressassées inlassablement dans de telles assemblées.   Manuel Valls se faisant huer chaque fois qu’il prononce un discours en public a aussi beaucoup plus d’impact dans le monde réel, parce que chacun peut voir que ces gens sont détestés des Français, partout où ils passent.

Les dés sont pipés

Nous jouons dans une partie de Monopoly dont les règles auraient été modifiées au profit de la banque.  Elle ne peut tomber en faillite et en cas de situation critique, ce sont les autres joueurs qui doivent y aller de leur poche.  Elle a le droit de préemption sur toutes les propriétés, fixe les impôts, et s’en dispense elle-même.  C’est la cause de l’abstentionnisme et de la grogne sociale.

Peut-on en sortir ?

Le système politique actuel en Europe est non seulement vicié, mais totalement verrouillé, et tout, absolument tout est fait pour qu’il ne soit pas possible d’y changer quoi que ce soit.

Il est impossible de changer un tel système de l’intérieur sans le bousculer sérieusement, et enfreindre quelques-unes des règles qui ont été établies par ce qu’il faut bien désormais appeler nos maîtres.

Dans l’histoire je n’ai pas connaissance d’un seul régime qui ait été renversé avec la permission de celui-ci.  Non, les révolutionnaires français n’ont pas demandé au commandant militaire de Paris la permission de prendre la Bastille.  Non, Fidel Castro n’a pas demandé à Batista la permission de prendre La Havane.

De même les acquis des travailleurs ont été gagnés de haute lutte lors des grands mouvements sociaux qui ont secoué l’Europe depuis la fin du 19ème siècle jusqu’en 1968.  Les grèves et les manifestations étaient un moyen de contestation, mais aussi un levier : il s’agissait d’établir un rapport de force.

Que voit-on aujourd’hui en France (mais aussi en Italie, en Espagne, au Portugal, en Grèce) ?

  • La destruction de tout ce qui constituait la protection sociale des travailleurs au profit du capital (Loi El Khomri, Loi Peeters, Jobs Act, …)
  • La répression brutale de tous les mouvements de contestation sociale à commencer par le droit à manifester pacifiquement, pourtant inscrit dans la constitution.

Il n’y a plus de dialogue social parce qu’il n’y a plus de rapport de force, voilà tout.

Un peu d’espoir ?

Quand je vois que des causes aussi importantes que le détricotage du code du travail peinent à mobiliser, et que dans le même temps je vois des foules innombrables de zombies lobotomisés courir après des pokémon, je dois convenir que ce qui me donne le plus d’espoir n’est certainement pas une foi inébranlable en l’homo sapiens.

Non, je crois que l’espoir repose sur une faille inhérente à tous les systèmes de pouvoir pyramidaux.  Par essence les gens occupant le sommet ne représentent pas un millième de pourcent de la population, et pourtant ne sont littéralement rien sans elle.  Des têtes sans bras, sans jambes et sans voix.

Les moyens

Je ne crois en aucun moyen qui ne soit pas directement situé dans le domaine du concret et qui ne viserait pas à déstabiliser le pouvoir en place, parce qu’il n’y a aucun précédent dans l’histoire ayant abouti à un résultat.

Seule une révolution (au sens rupture) permettra un changement drastique et durable du mode de gouvernement.  À noter qu’une révolution n’est pas nécessairement brutale ou sanglante, les récents exemples de l’Égypte et de la Tunisie sont là pour nous le rappeler.  Ils sont là aussi pour nous rappeler que trop souvent les révolutions servent surtout à remplacer un tyran par un autre.

Ainsi parmi les moyens conventionnels de contestation nous retrouvons :

  • La manifestation : oui mais voilà, les manifestations en soi ne gênent absolument pas le gouvernement, contrairement à ce que l’on pourrait croire.  Ce qui leur fait peur, c’est de voir une concentration d’un million de personnes mécontentes à quelques pas des institutions.  Parce qu’historiquement, bien des révolutions ont commencé comme ça.  Il suffit d’une étincelle et l’on passe brusquement d’une manifestation à une insurrection.  Il est bon de se rappeler aussi les velléités du gouvernement d’interdire les manifestations, notamment le 23 juin dernier à Paris.
  • La grève : il suffit de voir le traitement qui a été fait dans la presse des derniers mouvements de grève de la CGT, notamment dans les dépôts de carburant.  Occupation, prise en otage de la population, on sent la volonté de la part du gouvernement de tenter de briser les mouvements de grève, et pour cela, ils n’hésiteront sans doute pas à légiférer en vue de rendre toute grève massive impossible en pratique.  Mais faut-il pour paralyser un pays, ou du moins rendre la vie impossible au gouvernement qu’une grève soit générale pour être efficace ?  Non, il suffit d’atteindre une masse critique, au sein d’un certain nombre d’entreprises stratégiques, quitte à procéder par mouvements tournants afin de préserver la capacité d’action dans le long terme (trésor de guerre).
  • Le Harcèlement : j’entends ici le fait de rappeler à chacun des politiques en charge du gouvernement ou des élus qui auraient voté en faveur de la loi El-Khomri combien ils sont détestés et méprisés par la population.  Qu’ils ne puissent plus paraître sans se faire huer et conspuer.  Cela n’a l’air de rien, mais croyez-le, ces politiques attachent une importance toute particulière à leur image, et aiment à croire qu’ils sont les représentants du peuple, et que forcément, le peuple les aime.  Cela peut aussi prendre la forme de courriers à eux adressés dans lequel on leur rappelle courtoisement mais fermement qu’on n’oubliera rien de ce qu’ils ont fait, et qu’au moment des élections, les citoyens sauront leur faire payer leur traîtrise.
  • La désobéissance civile : dans son Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie montrait que le pouvoir de l’État repose entièrement sur la coopération de la population.  Dès que celle-ci refuse d’obéir, l’État n’a plus aucun pouvoir.  On peut ainsi résister sans violence par la désobéissance et provoquer l’effondrement politique.  En mars 1930, Gandhi lançait une vaste campagne de désobéissance civile qui débuta par la Marche du Sel.  A l’époque le gouvernement détenait le monopole du sel, dont les revenus lui permettaient de subvenir aux besoins des troupes coloniales.  Ce jour-là, 50.000 marcheurs se dirigèrent vers les marais salants de Jabalpour pour y récolter du sel.  L’armée ouvrit le feu tuant des dizaines de manifestants, mais ceux-ci avaient choisi de n’opposer aucune résistance, selon les consignes de Gandhi.  Écoeurés, les soldats cessèrent de tirer, et ce fût le début de la fin du régime colonial britannique.

De la violence Étatique

Dans toute la mesure du possible, les dirigeants de nos ploutocraties essaieront de diriger par l’adhésion plutôt que par l’usage de la force.  Dès qu’un gouvernement fait usage de la force vous pouvez être bien certain que c’est parce qu’il est aux abois, et qu’il n’a pas d’autre choix s’il ne veut pas être balayé.

Et pourtant cette réponse violente elle-même ne peut être qu’à la marge, et fortement limitée.   Parce que sitôt passé un certain point, cette violence appelle à son tour une réponse violente, une escalade, et l’on franchit un point de non-retour.  Même si un régime sans scrupule devait parvenir à mater une foule en colère au prix de dizaines de morts, c’en serait fini de lui, à terme, et il y aurait gros à parier que cela se terminerait très mal pour les responsables.  Il seraient alors obligés de tomber le masque, de ne plus diriger qu’à coup de trique et par la force, suscitant ainsi des milliers de vocations de révolutionnaires qui n’auraient de cesse de les frapper en tout temps et en tous lieux.  Et pour le dire autrement, ça ferait un peu tache en Europe.

Ainsi je crois personnellement que ce que l’on a vu en termes de répression brutale des manifestations durant les mois de conflit qui ont précédé la trêve estivale représente plus ou moins le niveau maximal de violence auquel le gouvernement peut se permettre de recourir.  Parce qu’au delà viendront les premières victimes, qui appelleront plus de sang encore, sans même préjuger de l’obéissance des forces de l’ordre à de tels ordres.  Il ne faut pas perdre de vue que c’est l’État qu’ils ont juré de servir, pas un gouvernement qui serait prêt à tirer dans le tas pour préserver ses intérêts.  Et ces mêmes forces de l’ordre sont, tout comme les autres citoyens, impactés par la destruction des acquis sociaux.

L’armée dans la rue

On a présenté le déploiement massif de militaires dans les rues comme une mesure de protection dans le cadre de la menace terroriste.  Mais il n’y a rien de plus faux.  Il y avait six militaires en faction devant le Bataclan.  Il y avait des militaires présents dans le hall de l’aéroport de Zaventem.  Et ils n’ont rien pu empêcher.  Et comment l’auraient-ils pu ?

La vraie raison de la présence des militaires dans les rues, c’est précisément le danger insurrectionnel, bien que je n’aie pas l’impression que les militaires -plus que les gendarmes- accepteraient de tirer sur des manifestants.  On arriverait très vite à franchir la ligne rouge au delà de laquelle d’une part les militaires eux-mêmes seraient écoeurés, et d’autre part, les masques tomberaient, poussant ainsi l’opposition dans la clandestinité et ouvrant la voie à la guerre civile.

In fine, le maintien dans les rues de militaires armés pourrait représenter une menace pour le gouvernement, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle aucun général romain ne pouvait rentrer à Rome à la tête de ses légions.  De là aussi l’expression franchir le Rubicon (un petit fleuve côtier qui marquait la frontière entre l’Italie romaine et la Gaule cisalpine).

Conclusion

Tout ce qui peut permettre l’émancipation des citoyens à leur puissance politique est bon pour la démocratie, et en ce sens la démarche de gens comme Étienne Chouard (et ses gentils virus) est certainement positive.  Mais l’émancipation ne suffit pas parce que cela a concrètement très peu d’influence sur le monde réel.  Seule l’action compte.

Toutefois j’y vois au autre aspect positif : cela permet de rappeler à chacun qu’en dernier recours, les citoyens sont les seuls garants légitimes de la démocratie.

  1. Étienne Chouard accède à la notoriété en 2005 en faisant campagne pour le « non » à l’occasion du référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, grâce à un texte publié sur son blog qui bénéficie d’une communication virale.

    S’appuyant sur les techniques de cette dernière et de l’éducation populaire, il critique depuis le système en place et milite pour des institutions inspirées de la démocratie athénienne, appelant en particulier à former une assemblée constituante tirée au sort. (source : wikipedia).

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles